Des images pour la planète

La retransmission télévisée des 64 matchs de la compétition reine du sport mondial (avec les Jeux olympiques) nécessite des moyens techniques pharaoniques. Mais le jeu en vaut la chandelle. Audience cumulée attendue : entre 26 milliards et 29 milliards de téléspectateurs.

Le stade Soccer City, à Soweto, lors d’un match amical le 27 mai. © AFP

Le stade Soccer City, à Soweto, lors d’un match amical le 27 mai. © AFP

Publié le 11 juin 2010 Lecture : 4 minutes.

Plus de 250 chaînes du monde entier retransmettront le premier Mondial africain. La Fédération internationale de football (Fifa) table sur une audience cumulée comprise entre 26 milliards et 29 milliards de téléspectateurs, répartis dans 214 pays et territoires. Les droits de télévision devraient lui rapporter 25 milliards de rands sud-africains (environ 2,6 milliards d’euros). Côté dépenses, la Fifa a investi 128 millions d’euros dans la couverture de l’événement, produit en 1080i/50 HD 16/9.

Le Mondial se déroulera dans neuf villes et dix stades neufs ou rénovés, dont certains sont utilisés en temps normal pour les matchs de rugby ou de football. Dans ces derniers, la chaîne à péage SuperSport, diffuseur attitré de la Premier Soccer League (PSL), le championnat sud-africain, déploie habituellement des dispositifs comprenant quatre à seize caméras. Pendant le Mondial, il y en aura au moins vingt-neuf. « La configuration des stades au format de la compétition a été assez laborieuse », concède Francis Tellier, le président de Host Broadcast Services (HBS), propriété de l’agence de marketing sportif Infront Sports & Media et opérateur hôte du Mondial depuis 2002.

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En juin 2009, la Coupe des confédérations, qui avait valeur de test, a ainsi permis de revoir certaines positions de caméras. À Bloemfontein, par exemple, « la caméra dite “pêcheur”, dans l’axe du terrain, qui sera essentiellement une caméra de jeu pendant la compétition, était trop basse », signale le réalisateur Jean-Jacques Amsellem. En outre, « il a fallu surélever les loupes six mètres, qui se trouvaient quasiment sur la pelouse, afin qu’elles ne doublonnent pas avec les steadycams de part et d’autre du terrain ».

Un générateur par stade

Cette même Coupe des confédérations a également permis de tester les installations électriques. Les pannes de courant à répétition, qui ont coûté 200 millions d’euros à l’économie locale en 2008, constituent en effet un motif de préoccupation. En 2006, en Allemagne, selon un document évaluant les besoins énergétiques du Mondial, la consommation d’électricité avait crû de 170 MWh par match. Prudente, la Fifa a donc imposé que chaque stade dispose de son propre générateur afin de sécuriser à la fois la tenue des matchs et leur couverture télévisée. Mais Tellier se veut rassurant : « Lors de la Coupe des confédérations, le dispositif a impeccablement fonctionné. »

Sur l’ensemble des sites, la superficie des espaces consacrés à la production avoisinera 75 000 m2. Trente studios d’interview (trois par stade) et cinquante studios de présentation (des loges VIP pour la plupart) seront mis à la disposition des diffuseurs. La chaîne qatarie Al-Jazira, les Anglais d’ITV et les Américains d’ESPN seront parmi les occupants des dix studios de présentation supplémentaires construits au Centre international de radio-télévision (en anglais, IBC), avec vue sur Soccer City, le stade de Soweto, township géant de Johannesburg, où s’ouvrira et s’achèvera la compétition.

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Sur quelque 30 000 m2 bruts, dont la moitié seulement était à commercialiser, le Parc des expositions de « Jozi » est ouvert depuis le 10 mai aux télés et radios du monde entier. « La crise n’a pas eu d’impact sur le remplissage de l’IBC : il sera plein », annonce Francis Tellier. Cent radiodiffuseurs originaires de trente-cinq pays occuperont le bâtiment, dont le coût de construction avoisine 10 millions d’euros.

En accord avec HBS, Thomson Grass Valley a sous-traité à différents prestataires (Alfacam, VCF, CTV, MediaPro et Studio Berlin) la fourniture des régies démontées. Chacun des dix stades disposera d’un équipement fixe, comme en Corée du Sud et au Japon en 2002, afin de limiter les déplacements dans ce vaste pays qu’est l’Afrique du Sud (1,2 million de km2). « Compte tenu des distances entre les villes (1 762 km pour la plus longue, NDLR), il n’était pas intéressant pour nous de travailler avec des cars », commente Tellier.

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À l’origine de 95 % des images qui seront vues par les téléspectateurs du monde entier, HBS annonce un volume de plus de 2 200 heures de production et a étoffé son concept multifeed inauguré lors du Mondial 2002. Au total, l’opérateur hôte produira dix-huit signaux par match, dont huit à la carte (les « super-signaux »).

Les matchs de poule seront filmés par vingt-neuf caméras, dont six loupes à 75 images/seconde, deux box cams placées en hauteur dans l’axe de la ligne de but et une caméra ultra slow-motion, dont la vitesse de capture sera comprise entre 300 et 400 images/seconde, compte tenu des impératifs du jeu. Le dispositif pour le match d’ouverture, les demi-finales et la finale s’enrichira d’une caméra héliportée, d’une deuxième caméra ultra slow-motion et d’un travelling aérien (Spidercam, ou Cablecam).

Sept équipes de production (contre six en Allemagne) seront à l’œuvre : trois alterneront entre deux stades, tandis que les quatre autres couvriront chacune un site. « Le calendrier des matchs autorise trois couplages », glisse Tellier. Du côté des réalisateurs, la mise en images des soixante-quatre matchs sera orchestrée par trois Français, deux Britanniques et deux Allemands. François-Charles Bideaux officiera à Soccer City et Rustenburg, François Lanaud au Cap, Jean-Jacques Amsellem à Bloemfontein, Jamie Oakford à Johannesburg (Ellis Park) et Pretoria, John Watts à Polokwane et Nelspruit, Knut Fleischmann à Durban, et son compatriote Wolfgang Straub à Port Elizabeth.

Comme un essaim d’abeilles

La société italienne Delta Tre, par ailleurs chargée de la réalisation de la charte graphique avec la britannique Radiant, mettra à la disposition des diffuseurs de statistiques de niveau trois (vitesse, distance parcourue, nombre de tirs au but ou de passes) issus du système suédois Tracab. Cet outil d’analyse permettra d’individualiser la performance des joueurs et de cartographier, grâce à des heat maps (« cartes de chaleur »), leurs déplacements tout au long du match.

Enfin, côté audio, le Mondial bénéficiera, comme en 2006, d’un son multicanal (Dolby 5.1). Mais la partie s’annonce plus délicate qu’en Allemagne, à cause des vuvuzelas et autres kuduzelas, les fameuses trompettes des supporteurs locaux. « Ensemble, elles émettent le son d’un essaim d’abeilles, prévient Olivier Mottard, un technicien belge, déjà présent lors de la Coupe des confédérations. Il faudra donc travailler la prise d’ambiance, sans pour autant espérer produire un son comme en Europe. »

Mais Danny Jordaan n’en a cure. Le président du comité d’organisation local promet, en souriant, que le Mondial 2010 sera « le plus bruyant de l’Histoire » ! 

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