Un débat avorté

Hormis le PJD, aucun parti n’a jugé bon de participer aux premières assises nationales sur l’interruption volontaire de grossesse.

Des femmes enceintes et de jeunes mères patientant à l’unité de protection Basma, à Casablanca. © Abdelhak Senna/AFP

Des femmes enceintes et de jeunes mères patientant à l’unité de protection Basma, à Casablanca. © Abdelhak Senna/AFP

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Publié le 10 juin 2010 Lecture : 2 minutes.

« Il y a des tabous qui font des morts », tempête un gynécologue marocain. Établi à Rabat depuis plus de trente ans, il a pratiqué des dizaines d’avortements, malgré l’article 449 du code pénal qui prévoit entre six mois et deux ans de prison pour « l’avorteur et l’avortée, ainsi que les personnes intermédiaires, sauf quand il s’agit de préserver la santé ou la vie de la mère ». C’est pour ouvrir ce débat sensible que le professeur Chafik Chraïbi, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (Amlac) a organisé, les 28 et 29 mai, à Rabat, le premier congrès national sur l’avortement à risque.

Depuis des années, il plaide pour un assouplissement de la loi. « Nous n’appelons pas, explique-t-il, à la légalisation de l’avortement. Nous voulons que la loi autorise l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans certains cas, comme le viol, l’inceste, les malformations fœtales et les pathologies psychiatriques. » Et selon lui, il y a urgence : chaque année, 60 000 avortements non médicalisés sont pratiqués, 5 000 enfants sont abandonnés, et des centaines de femmes sont opérées dans des conditions indignes et dangereuses. En Tunisie, où l’avortement est légalisé depuis 1973, le nombre d’IVG a baissé. Ce qui prouve, selon le docteur Chraïbi, que « légaliser n’est pas encourager ».

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Près de cinq cents personnes, dont des médecins, des parlementaires, des experts religieux ou des militants associatifs ont participé au congrès. Mais les partis politiques ont brillé par leur absence, rechignant à se prononcer sur une question de société particulièrement sensible. « Pourtant, le Parti Authenticité et Modernité (PAM), l’Union socialiste des forces populaires (USFP) ou l’Istiqlal nous avaient assurés de leur soutien », regrette Chraïbi. Seul le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) était représenté. Très virulente, la députée Bassima Hakkaoui a considéré que « la société marocaine n’est pas prête pour aborder ce sujet ». « Quelle que soit notre opinion, a cependant rappelé Abdelaziz Rebbah, membre du secrétariat général du parti, nous devons accepter la discussion. La raison d’être d’un parti est de lancer ce type de débat et de s’attaquer aux grands sujets de société. »

L’Amlac devrait rapidement formuler des recommandations (cours d’éducation sexuelle à l’école, création de centres d’écoute pour les femmes…) qui seront ensuite transmises au Parlement, au gouvernement et au Palais royal. Chafik Chraïbi s’en remet au roi, qui, « en tant que Commandeur des croyants, est le seul à pouvoir trancher ce type de questions ».

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