Baradei contre vents et marées
Malgré les mesures de rétorsion et les campagnes de dénigrement, Baradei continue à défier le régime en vue de l’élection présidentielle de 2011. Et appelle la population à se mobiliser derrière lui.
Quand Mohamed el-Baradei, ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), est rentré en Égypte pour se battre en faveur des réformes politiques, s’engageant même à se présenter à l’élection présidentielle, les partisans de l’ouverture démocratique étaient euphoriques. Accueilli en héros à l’aéroport du Caire, le Prix Nobel de la paix entendait faire échec aux manœuvres du président, Hosni Moubarak, 82 ans, visant à transmettre les rênes du pouvoir à son fils Gamal.
Quatre mois plus tard, les perspectives d’une ouverture démocratique se sont envolées, et la candidature de Baradei à la présidentielle de 2011 est devenue hypothétique à cause notamment, déclare l’intéressé, des restrictions encadrant l’activité politique et de la « culture de la peur ». « Je ne peux ni installer de quartier général, ni organiser de manifestations, ni lever des fonds, proteste-t-il. Même les chaînes de télévision indépendantes ont reçu l’ordre de ne pas m’accorder d’entrevues. La situation est triste et démontre la fragilité du régime en place. » De fait, l’état d’urgence, en vigueur depuis 1981, a été prorogé de deux ans par le régime pour empêcher, affirment ses détracteurs, l’émergence d’une vie politique.
Dépasser le million de signatures
Baradei a aussi été déçu par la classe moyenne, qui n’a pas répondu à ses appels. « Pour faire changer les choses dans un environnement pareil, explique-t-il, il faut que les gens se lèvent et se fassent entendre. Malheureusement, la culture de la peur est toujours là. Les gens croient que j’y arriverai seul, mais je leur répète que c’est impossible sans l’implication d’au moins 5 % de la population. » Baradei a lancé une pétition appelant à une élection présidentielle libre et juste, et à la levée des restrictions empêchant un candidat indépendant de se présenter. Sur 80 millions d’Égyptiens, moins de 100 000 personnes l’ont signée.
À l’appui de sa démonstration, l’ancien patron de l’AIEA cite un sondage en ligne dans lequel la moitié des personnes interrogées déclarent qu’elles auraient volontiers signé la pétition, mais que la peur de représailles les en a dissuadées. Or Baradei estime qu’au-dessous du seuil symbolique du million de signatures, sa capacité à faire bouger les choses restera limitée. Il avait placé ses espoirs dans ses 12 000 jeunes supporteurs qui ont écumé le pays pour recueillir des signatures. Mais certains d’entre eux ont été arrêtés et brièvement détenus.
Le soutien des Frères
Le web et les journaux offrent toujours un espace de discussion relativement libre où l’opposition peut s’exprimer, mais le régime agit rapidement de manière à étouffer dans l’œuf toute contestation de sa mainmise. De même a-t-il « verrouillé » l’élection présidentielle à la faveur de la réforme constitutionnelle de 2007, qui supprime la supervision judiciaire du scrutin.
Considéré comme la première force de l’opposition, le mouvement des Frères musulmans – interdit – a décidé d’aider Baradei à rassembler des signatures. S’il y parvient, l’instigateur de la pétition pourrait bien être la cible de mesures de rétorsion encore plus sévères. Pour l’instant, il n’a essuyé que les foudres de la presse officielle, qui l’accuse tantôt d’être à la solde des Américains ou des Iraniens, tantôt de soutenir Ben Laden et Al-Qaïda.
Le pouvoir affirme que Baradei pourra se présenter à la présidentielle s’il accepte de rejoindre un des partis politiques autorisés. Mais l’intéressé refuse, expliquant que cela reviendrait à « légitimer » le régime en place. Si Baradei veut « éviter de donner de faux espoirs » à la population, il refuse néanmoins de baisser les bras et invite ses concitoyens à signer la pétition et à se mobiliser derrière lui pour le changement.
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