Messaoud Ould Boulkheir : « Le régime n’est pas démocratique ! »
Il y a un an, l’accord de Dakar mettait un terme à la crise politique mauritanienne. Mais pour le président de l’Assemblée nationale et leader de l’APP, la bataille n’est pas terminée.
Jeune Afrique : Vous avez appelé à « la chute du régime » de Mohamed Ould Abdelaziz. Comment un démocrate peut-il lancer un tel message ?
Messaoud Ould Boulkheir : Ce régime n’est pas démocratique ! Et je n’appelle pas la population à prendre les armes mais à protester. Tout ce que nous ferons aura pour cadre la démocratie. Nous allons organiser des manifestations, des opérations ville morte, des grèves.
Que reprochez-vous à Ould Abdelaziz ?
Depuis qu’il est au pouvoir, son incurie et l’incompétence de son gouvernement ont entraîné un grand nombre de malheurs. Le terrorisme est en recrudescence. Or, en août 2008, Aziz a justifié son coup d’État par l’incapacité du pouvoir à lutter contre ce phénomène. En outre, il entretient des rapports conflictuels avec nos voisins : le Mali n’a pas apprécié qu’Aziz vilipende son président pour sa façon de traiter le problème du terrorisme, et le Sénégal est irrité par le fait que la Mauritanie ait fixé unilatéralement les points de passage sur la frontière. Sur le dossier du Sahara, la neutralité a été rompue. L’ambassadeur mauritanien s’y est rendu et a tenu des propos favorables à l’une des parties en conflit, le Maroc. Il y a aussi ces nouveaux canaux diplomatiques, du Venezuela à l’Iran, en passant par Cuba. Ils risquent de nous fâcher avec nos partenaires occidentaux. Sans oublier que l’administration est totalement déstructurée. Le régime actuel a écarté les cadres compétents, sous le prétexte de renouveler la classe politique. Mais les ministères ont été confiés à une clientèle parentale et tribale. Du coup, ce gouvernement n’inspire pas confiance et ne fait rien.
De grands chantiers ont pourtant été lancés…
La plupart ont été programmés sous Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Par populisme, Aziz s’en est attribué le mérite.
Ahmed Ould Daddah, Mohamed Ould Maouloud et vous-même êtes les seuls piliers de l’opposition depuis près de vingt ans. Pourquoi ?
L’opposition a ses leaders, et chacun est le ciment de son parti. Si Ould Daddah part, je ne suis pas sûr que son parti tienne. À l’Alliance populaire progressiste (APP), c’est pire : ses membres sont accros à Messaoud. Nous ne nous sommes pas imposés par la force ou la corruption, mais par notre travail, notre comportement, nos prises de position. Ceux qui sont pressés n’ont qu’à fonder leurs partis.
La victoire d’Ould Abdelaziz à la présidentielle de juillet 2009 ne vous a-t-elle pas incité à vous remettre en question ?
La Mauritanie est un pays en développement. La population considère que les tenants du pouvoir sont les plus aptes à continuer de l’occuper. Elle n’élit pas nécessairement quelqu’un pour ses qualités intrinsèques.
Si Ould Abdelaziz vous conviait à un dialogue sur des sujets de fond, accepteriez-vous l’invitation ?
Je suis partagé entre ma perception personnelle et mon devoir d’homme politique. S’il y a des garanties, il ne serait pas sensé de rejeter une telle invitation. Mais si ce dialogue devait aider Aziz à terminer son mandat, ce serait non.
L’ancien chef de l’État Ely Ould Mohamed Vall fait-il partie de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) ?
Je sais qu’il a de la sympathie pour la COD. Mais il ne s’est jamais joint à nous.
Le regrettez-vous ?
Vous savez, mon opinion d’Ely, qu’il vienne ou non…
Le Groupe de contact international s’était engagé à veiller à la tenue d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition. Que pensez-vous de son suivi ?
Il n’a jamais eu lieu. Le Groupe s’est totalement désengagé depuis la démission de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Il voulait placer Aziz au pouvoir, c’est tout. S’il avait fait autant d’efforts pour suivre la situation politique que pour nous faire signer cette bêtise d’accord de Dakar, peut-être aurait-il tiré quelque chose d’Aziz.
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