Boutef et les cassandres
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 7 juin 2010 Lecture : 2 minutes.
C’est bien connu, en Algérie plus qu’ailleurs, on en est souvent réduit à tenter de décrypter les rumeurs plutôt que de commenter les informations. Normal, me direz-vous, tant les dirigeants algériens sont enclins à se réfugier dans le mutisme et l’opacité. C’est encore plus vrai depuis la réélection d’Abdelaziz Bouteflika, en avril 2009. Trop de questions étaient restées en suspens pour ne pas voir se multiplier les interrogations les plus légitimes.
Plus d’un an après, ce pays, qui a nourri trop d’espérances, cristallisé trop d’exigences, mais aussi affiché trop de certitudes pour ne pas en payer quelque part le prix, suscite bien des inquiétudes. Le brutal changement de cap économique et l’abandon du libéralisme déroutent et exaspèrent les investisseurs étrangers, mais aussi certains opérateurs locaux. Sur le front social, la situation est tendue : grèves à répétition, émeutes sporadiques, revendications tous azimuts. Là encore, personne ne sait où cette agitation permanente s’arrêtera.
Politiquement, on nage en eau trouble. Après la révélation de nombreux scandales de corruption, dont le plus emblématique est celui touchant la « mamelle de la nation », Sonatrach, et l’assassinat du tout-puissant et inamovible patron de la police Ali Tounsi, tout le monde, ou presque, a cru déceler une vaste guerre des clans au sommet du pouvoir. En filigrane, l’éternelle antienne du bras de fer entre l’armée et Bouteflika, les « vrais » décideurs et un président en apparence affaibli. Du quarteron de généraux tout-puissants des années 1990 et du début des années 2000 (Mohamed et Smaïn Lamari, Larbi Belkheir, Khaled Nezzar et Mohamed Touati), seul reste en activité Mohamed Médiène, dit Tewfik, qui dirige le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), l’héritier de la Sécurité militaire. De là à voir sa main derrière les enquêtes anticorruption du DRS censées viser des proches du chef de l’État pour affaiblir ce dernier, il n’y avait qu’un pas, allègrement franchi de part et d’autre de la Méditerranée…
Journalistes mais aussi diplomates se sont alors plu à deviner des complots partout. Et ce d’autant que Bouteflika semblait absent. On ne le voyait ni ne l’entendait plus. On le disait ébranlé par le décès de sa mère, en juillet 2009, et la maladie dont souffre son frère et médecin personnel, Mustapha. Sa santé elle-même restait un motif d’inquiétude et, surtout, l’objet des rumeurs les plus folles. Si l’on avait écouté certains spécialistes et autres observateurs avisés, il serait mort et enterré depuis longtemps…
Mais en lieu et place de ces scénarios dignes d’un roman de John Le Carré, une réalité : « Boutef », qui ne cède jamais à la pression et à la précipitation, reste le maître du temps, mais aussi celui du jeu.
Retrouver l’article "Bouteflika reprend la main" dans le numéro 2578 de Jeune Afrique, en kiosques du 6 au 12 juin 2010.
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