Le charme discret de la Tunisie
Exit les mégaprojets clinquants, l’heure est aux résidences raffinées. Bénéficiant de prix encore attrayants, notamment pour les acheteurs étrangers, le secteur du haut de gamme ne connaît pas la crise.
Le charme discret de la Tunisie
En 2007, les promoteurs immobiliers courtisaient la Tunisie à coups de mégaprojets très médiatisés. Trois ans après, la crise économique a poussé certains groupes à freiner leurs ardeurs. Damac Properties sursoit à la construction d’une zone résidentielle et touristique de haut standing à Korbous, dans le golfe de Tunis. Cette annonce a précédé la demande de révision de planning faite par Sama Dubai à l’État tunisien pour le projet, dans la capitale, de la Porte de la Méditerranée, dont il est promoteur.
Plus personne ne parle non plus du grand complexe touristique et environnemental sur l’île de Zembra présenté par David Chow Kam Fai, un investisseur chinois, ni du mégaprojet de l’italien Préatoni à Cap Serrat, dont le coût était estimé à 15 milliards d’euros. Le même silence entoure le projet Bled el-Ward, du groupe Al Maabar International Investments Company, qui s’étend sur 5 000 ha, avec un investissement évalué à 8 millions d’euros. D’autres projets ont simplement pris du retard dans les études ou pour des raisons foncières.
Ce recul n’est pas forcément le signe de la chute du secteur haut de gamme, et la troisième édition du Salon de l’immobilier tunisien à Paris (Sitap), du 4 au 6 juin, devrait le prouver. En réalité, la discrétion semble avoir pris le pas sur le marketing à outrance. L’immobilier tunisien de très haut de gamme s’entoure désormais d’une élégante confidentialité, à l’opposé, par exemple, des projets émiratis. Ici, pas question de tours de verre et de marbre, mais de petites résidences qui déclinent une sobriété et un raffinement de bon aloi avec, quand même, des prestations de standing international.
Banlieue « so chic »
Car la Tunisie a un savoir-faire. L’immobilier de luxe y existe depuis les années 1980. Les collines de Carthage et du Nord Hilton se sont recouvertes de somptueuses villas en même temps que le boom immobilier modifiait le paysage des centres urbains. Si bien que le nombre de promoteurs est passé de 85 en 1987 à 1 650 en 2009 ! Structurés en sociétés immobilières, ils peuvent vendre leurs biens en direct mais aussi les présenter à travers des agences comme Simpar, Edifia, Essoukna ou encore Ben Mahmoud.
Aujourd’hui, les quartiers de luxe « historiques » sont toujours aussi recherchés et la revente des biens qui s’y situent produit de belles plus-values. Mais de nouveaux lieux de vie huppés, tels Ennasr ou le Lac de Tunis, voient le jour. La modernité de leur architecture, les prestations, la proximité avec les commerces et le réseau urbain n’en font pas, pour autant, des lieux inaccessibles aux Tunisiens, puisque le prix du mètre carré varie entre 750 et 1 100 euros. Les projets se développent aussi sur des sites comme les Côtes de Carthage, toujours dans la « so chic » banlieue nord de Tunis : The Residence Golf Course, avec une cinquantaine de villas les pieds dans le green et intégralement vendues sur plan ; dans la même région, la Baie de Gammarth (à capitaux à 100 % tunisiens), un ensemble résidentiel entre mer et forêt, reprend le thème du village intégré, à l’image de Sidi Bou Saïd.
Défiscalisation
Si, selon la direction commerciale de la Baie de Gammarth, les acquéreurs sont majoritairement des Tunisiens attirés par une meilleure qualité de vie à deux pas de Tunis, ainsi que des prix au mètre carré raisonnables (une villa coûte à partir de 240 000 euros), ce positionnement de standing et de charme séduit tout autant les acheteurs étrangers tout en affichant une situation assez exceptionnelle. Le prix de l’immobilier, qui connaît une hausse annuelle moyenne de 8 %, commence à être élevé pour le commun des Tunisiens mais demeure très abordable par rapport à l’Europe. Et le marché immobilier local, particulièrement celui du moyen de gamme, arrive à saturation, car 80 % des ménages sont propriétaires de leur logement. Les promoteurs se tournent donc naturellement vers le marché européen, France et Italie en premier lieu. Ainsi de Kélibia la Blanche, qui commercialise activement en Europe un ensemble résidentiel sur l’une des plus belles plages de Tunisie.
La proximité géographique, des affinités culturelles, un cadre de vie agréable et une stabilité politique sont les arguments d’accroche auxquels s’ajoutent une défiscalisation sur les revenus allant jusqu’à 80 % pour les ressortissants français et un enregistrement des biens fonciers à un taux réduit. La Tunisie compte aujourd’hui 20 000 résidents français, avec un taux d’augmentation de 15 % par an. Pour les ressortissants tunisiens vivant à l’étranger, c’est un investissement dans la pierre qu’ils ne peuvent pas se permettre en Europe et qui leur offre un rendement locatif important. « On assiste à un exode vers la Tunisie, estime Mohsen Chaabani, directeur de Zitouna Immobilier. Pour maintenir cette demande, il est nécessaire d’améliorer notre qualité de service et surtout d’encadrer le champ d’action des intermédiaires, qui donnent une mauvaise image de la profession. »
L’écueil marocain
Surtout, l’expert craint l’exemple marocain. « Marrakech est devenu inabordable sans que les autochtones y aient gagné pour autant, car les plus-values sont réalisées par les étrangers qui réhabilitent des riads pour les revendre. Au Maroc, la spéculation immobilière a dénaturé le cadre de vie. » Mais pour lui, la Tunisie est à l’abri car « la réglementation est plus stricte ». En effet, les étrangers ne peuvent acheter que dans des zones classées comme touristiques ou industrielles et leur achat doit être avalisé par le gouverneur de la région, les démarches sont longues à moins d’être acquéreur à travers des projets comme Tunis Sports City ou la Baie de Gammarth, qui ont obtenu des procédures allégées.
Reste que le Sitap, avec un nombre d’exposants et de visiteurs attendus en hausse, confirme que le marché tunisien est résolument tourné vers les investisseurs étrangers et la diaspora. Et que, dans un climat de morosité immobilière internationale, le segment du haut de gamme arrive, en toute discrétion, à tirer son épingle du jeu.
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