OPA sur la Beac
Chasse gardée du Gabon depuis des décennies, la gouvernance de la Banque des États de l’Afrique centrale, secouée par de récents scandales, sera désormais rotative. Et c’est la Guinée équatoriale qui ouvre le bal.
Malabo maintient le cap
Depuis plusieurs années, la Guinée équatoriale demandait avec insistance la fin du privilège qui réservait au Gabon le poste de gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), dont le siège se trouve à Yaoundé, au Cameroun. Les assauts équato-guinéens contre l’ordre établi par le consensus de Fort-Lamy – signé en 1973, alors que l’ancienne colonie espagnole n’avait pas encore intégré la zone franc – agaçaient les partisans du statu quo. Dans les couloirs des institutions régionales, on moquait alors les caprices de Malabo, nouveau riche, fier et altier, récemment admis dans le club des grands producteurs de pétrole africains et mondiaux. On tançait l’obsession de la transparence du nouveau « petit émirat » du golfe de Guinée… qui détient, tout de même, 50 % des avoirs en devises centralisés par la Banque centrale de la sous-région.
Hier méprisée pour sa pauvreté et le petit nombre de sa population (moins de 1 million d’habitants), isolée au cœur d’une Afrique centrale majoritairement francophone, la Guinée équatoriale a pourtant fini par obtenir ce qu’elle voulait : la rotation par ordre alphabétique des États membres au sein de toutes les institutions de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
Big bang à Bangui et fin des privilèges
L’objectif de Malabo n’aurait peut-être pas été atteint si la gouvernance de la Banque centrale n’avait, à force de scandales, précipité les changements. Premier coup de tonnerre : un placement « toxique » de 500 millions d’euros vendu en 2007 au gouverneur de la Beac, le Gabonais Philibert Andzembé, par Luc François, patron monde des produits dérivés actions de la Société générale, se révèle catastrophique. Par un retournement de conjoncture, l’opération fait perdre à la banque 25 millions d’euros, soit 16,4 milliards de F CFA. Plus embarrassant pour le patron de l’institution, ce type d’opération n’aurait jamais dû être réalisé, car les statuts de la Beac lui interdisent d’investir dans des valeurs boursières.
Le second scandale, révélé en septembre 2009 par Jeune Afrique, met au jour des détournements estimés à 30 millions d’euros (19 milliards de F CFA), perpétrés au sein du Bureau extérieur de la banque à Paris (BEP) entre 2004 et 2008. L’affaire est portée à l’attention des six chefs d’État de la sous-région lors d’un sommet électrique qui s’est tenu à Bangui les 16 et 17 janvier dernier. À l’issue de la rencontre, l’Équato-Guinéen Lucas Abaga Nchama (voir p. 70), directeur général de l’exploitation au sein des services centraux de la Beac, est nommé gouverneur. Il est chargé de restaurer la crédibilité entachée de l’institut d’émission. Au cours d’un entretien qu’il a eu avec lui fin janvier, après sa nomination, le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema a demandé au nouveau gouverneur de défendre l’honneur de son pays en « évitant de faire des bêtises ».
Selon Mahamat Massoud (cadre de la banque et auteur de La Banque des États de l’Afrique centrale, une dérive prévisible, sorti en avril 2010 aux éditions L’Harmattan), si la répartition déséquilibrée des rôles et des fonctions a favorisé la constitution de « pôles dominants qui ont été à l’origine des malversations puis des dérives prédatrices », cela ne risque pas de se reproduire. Un train de réformes est en marche. Un comité de réflexion a été mis en place pour proposer des solutions de relance. Quant au BEP, il n’est plus qu’un bureau de représentation et de liaison, doté d’un budget de fonctionnement sur mesure, et dont les initiatives se limiteront désormais au contact des fournisseurs, qui seront payés directement par le siège.
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