Chasse au faciès chez Obama

Adoption d’une nouvelle législation anticlandestins en Arizona, mesures de rétorsion décrétées par le voisin californien… La question de l’immigration met le pays en ébullition.

Interpellation d’une immigrée clandestine en juillet 2009, à l’aéroport de Phoenix, Arizona. © Carlos Barria/Reuters

Interpellation d’une immigrée clandestine en juillet 2009, à l’aéroport de Phoenix, Arizona. © Carlos Barria/Reuters

Publié le 1 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

Entre l’Arizona et son voisin californien, c’est l’escalade. Il y a quelques semaines, pour protester contre une nouvelle loi anti-immigration jugée répressive et discriminatoire, la ville de Los Angeles a lancé un appel au boycott économique et touristique de cet État. Le 18 mai, un responsable arizonien de l’énergie a répliqué en menaçant d’interrompre les livraisons d’électricité à la Cité des Anges (soit 25 % environ de l’approvisionnement de cette dernière). Peine perdue : le boycott reste en vigueur. Quinze contrats d’un montant global compris entre 7 millions et 8 millions de dollars seraient suspendus, tandis que les villes de San Diego, Oakland, San Francisco et quelques autres se sont associées au mouvement pour faire abroger la loi SB 1070 signée, le 23 avril, par Jan Brewer, la gouverneure de l’Arizona.

Ce texte, dont l’ambition est de réprimer l’immigration clandestine, vise d’abord la population hispanique d’Arizona. Mais il met l’Amérique en ébullition. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs dizaines de villes, tandis que des fédérations sportives professionnelles annulaient diverses compétitions prévues en Arizona. Même le président mexicain, Felipe Calderón, a fustigé devant Barack Obama le caractère « inhumain » de la nouvelle loi.

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Profilage ethnique

Il y aurait environ 5 millions de Mexicains résidant clandestinement aux États-Unis. Et 450 000 dans le seul État de l’Arizona (6,5millions d’habitants). La loi SB 1070 autorise la police à vérifier l’identité d’un suspect en cas de « doute raisonnable » sur la régularité de sa situation. Pour qu’un contrôle soit légalement justifié, il n’est donc plus nécessaire qu’un délit ait été commis. À noter que le problème de l’immigration illégale était jusqu’ici du ressort exclusif du gouvernement fédéral… Par ailleurs, toute personne interpellée est désormais dans l’obligation de présenter sur-le-champ ses papiers d’identité, sous peine d’amende ou d’emprisonnement.

Pour ses détracteurs, la loi légalise donc le « délit de faciès » et ouvre grand la porte aux abus du profilage ethnique. Raison pour laquelle divers mouvements de défense des droits civils ont déposé des plaintes pour tenter d’en bloquer l’entrée en vigueur, fin juillet. « Nous ne sommes pas un pays où l’on doit montrer ses papiers ; ni un pays où un citoyen peut être harcelé, soumis à un contrôle ou emprisonné simplement parce que quelqu’un pense qu’il est étranger », déclare dans un communiqué Omar Jadwat, avocat de l’Union américaine pour les libertés civiles (Aclu). Indifférente à ces accusations de racisme – « pure rhétorique », estime-t-elle –, Brewer a signé une autre loi interdisant aux écoles arizoniennes d’enseigner le rôle et l’importance des minorités ethniques dans la construction de la culture américaine.

« Faites votre travail ! »

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Reste, les sondages le démontrent, que la nouvelle législation est majoritairement soutenue par l’opinion. Égérie du Parti républicain, Sarah Palin s’est empressée de voler au secours de Brewer : « Nous sommes tous arizoniens. Monsieur le Président, faites votre travail. » La gouverneure justifie pour sa part son initiative par la nécessité de sécuriser la frontière avec le Mexique, où les cartels de la drogue font la loi.

Le débat met en évidence le manque d’initiatives fédérales en ce domaine. Pour nombre d’électeurs hispaniques, qui l’avaient massivement soutenu lors de sa campagne victorieuse, Obama n’a pas tenu sa promesse de faire de la réforme de l’immigration une priorité. Le chef de l’exécutif a néanmoins fermement critiqué ce texte « irresponsable et malheureux », dont le ministère de la Justice examine actuellement, de très près, la légalité. Beaucoup sont convaincus que la loi sera finalement jugée anticonstitutionnelle et abrogée.

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