Mélès Zenawi remporte un scrutin verrouillé
Victoire sans surprise pour le chef du gouvernement, qui, après dix-neuf ans au pouvoir, briguait un nouveau mandat.
Le Premier ministre éthiopien, Mélès Zenawi, avait annoncé la couleur juste après avoir glissé son bulletin dans l’urne, à Adoua, sa ville d’origine, dans la région du Tigré. « Pouvez-vous imaginer un endroit sur terre où un gouvernement qui a permis une croissance à deux chiffres pendant sept ans puisse perdre une élection ? Personne n’a jamais vu pareil événement. » Les élections législatives du 23 mai lui ont donné raison : sa formation, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), a laminé les huit partis réunis sous la bannière du Medrek, une coalition hétéroclite soudée par sa seule opposition au Premier ministre, au pouvoir depuis dix-neuf ans.
Avant même l’annonce des résultats partiels (portant sur 536 des 547 circonscriptions) donnant l’EPRDF vainqueur dans 499 d’entre elles, des partisans du « parti de l’abeille » se sont réunis, le 25 mai, sur Meskel Square, à Addis-Abeba, pour célébrer la victoire. Fervente partisane de Zenawi, Heromen est journaliste : « Tout va bien. Je suis heureuse. Tout s’est bien passé, notamment comparé à ce qui peut advenir dans d’autres pays d’Afrique. Certains parlent de triche, mais je ne crois pas que ce soit vrai », affirme-t-elle. Avant d’ajouter : « Le Premier ministre est à sa juste place. Dans cinq ans, on verra encore des progrès. » Plus circonspect, son compatriote Bekele souligne que les élections n’ont guère mobilisé les Éthiopiens, plus préoccupés par des problèmes quotidiens (logement, travail, nourriture) bien réels.
« Ce qu’il s’est passé il y a cinq ans est encore frais dans les mémoires, et je crois que l’EPRDF comme le Medrek partageaient l’envie d’éviter un drame identique », dit-il. En 2005, les bons scores de l’opposition dans les villes avaient provoqué une réaction violente des autorités, entraînant la mort de plus de deux cents personnes et de lourdes condamnations pour des dirigeants comme Berhanu Nega (aujourd’hui exilé), qui avait remporté la mairie d’Addis-Abeba, ou Birtukan Mideksa (en prison).
Cette année encore, « les hommes habillés en bleu et les Bérets rouges patrouillaient en ville », mais, selon Bekele, « ce n’était pas comme il y a cinq ans. Les élections avaient été préparées en amont pour que tout soit bien encadré ».
Menaces sur les électeurs
C’est d’ailleurs ce que reproche l’organisation Human Rights Watch au gouvernement de Mélès Zenawi : un encadrement serré des populations. « Entre avril et mai, des responsables officiels et la milice des administrations locales (connue sous le nom de tataqi, en amharique) ont fait du porte-à-porte afin d’inviter les citoyens à s’inscrire pour voter, et à voter pour le parti au pouvoir, sans quoi ils pourraient subir des représailles de la part des dirigeants locaux – harcèlement bureaucratique, perte d’emploi ou de logement. » Après les élections, le chef de la mission d’observation de l’Union européenne, le Néerlandais Thijs Berman, a évoqué le problème en ces termes : « La forte participation le jour des élections a été ternie par le rétrécissement de l’espace politique et le déséquilibre du jeu politique. La séparation entre le parti au pouvoir et l’administration a été gommée dans de nombreux cas au niveau local. » C’est donc dans ce contexte de verrouillage strict que Mélès Zenawi, allié incontournable des États-Unis dans la Corne de l’Afrique, va rempiler pour cinq ans. Sans doute veillera-t-il à consolider sa stature internationale – il représentait l’Afrique au G20 de Londres et au sommet de Copenhague sur le climat – et, peut-être, à desserrer l’étau sur un pays qui, malgré sa croissance économique, reste très dépendant de l’aide.
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