Sékouba et Nicolas
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 31 mai 2010 Lecture : 2 minutes.
Comme toujours, il y a l’important et il y a l’accessoire. L’important, c’est évidemment la présidentielle guinéenne du 27 juin, à laquelle Jeune Afrique consacre cette semaine un premier dossier. Une sorte de petit miracle, auquel on n’ose encore croire tout à fait, que cette élection vraiment démocratique dans un pays qui n’en a jamais connu, au point qu’on le pensait plongé dans un coma irréversible, condamné à n’être riche que de ses potentialités. Si la Guinée, qui ne s’était jamais remise des vingt-six ans de dictature d’Ahmed Sékou Touré, s’apprête enfin à tourner cette page de son histoire, c’est à un militaire étrange, introverti, mutique et aussi souriant que peut l’être une grille de caserne qu’elle le doit. L’homme qui n’aime pas le pouvoir, cet ovni qu’il a fallu supplier – les Français en savent quelque chose – pour qu’il l’assume il y a cinq mois et dont le seul souhait est depuis de le remettre aux civils, au point d’apparaître parfois comme un peu trop pressé de rendre son tablier, est un général auquel il conviendra, le moment venu, de rendre les honneurs : Sékouba Konaté. En refusant de se présenter à une élection qu’il aurait sans doute remportée, ainsi que le firent avant lui le Malien ATT et le Mauritanien Vall, ainsi que le feront bientôt, on peut l’espérer, le Nigérien Djibo et le malgache Rajoelina, Konaté a donné à son pays la secousse qu’il fallait pour déverrouiller les portes de l’avenir. Aux politiciens, désormais, de prendre leurs responsabilités.
L’accessoire (quoique…), c’est cette longue interview que, en prélude au sommet de Nice, Nicolas Sarkozy a donnée à nos confrères de l’hebdo Les Afriques. Ces derniers ne m’en voudront pas de révéler qu’il s’agit là d’un entretien prérédigé, en réponse à des questions écrites : il suffit de le lire pour s’en rendre compte. Il y a deux semaines, l’Élysée et le Quai d’Orsay avaient d’ailleurs approché Jeune Afrique avec la même proposition « prête à publier ». Offre que nous avons poliment déclinée. Une interview du président français, oui, bien sûr. Mais « live », en direct, à chaud, avec les relances qu’il faut, sans langue de baobab ni thèmes imposés. Pourquoi accepter de la part des collaborateurs de Nicolas Sarkozy ce que nous avons toujours refusé à ceux des chefs d’État africains qui nous en faisaient la demande ?
Il y a quarante ans, déjà, à l’époque de la Françafrique triomphante, un certain Jacques Foccart avait cru pouvoir nous imposer une interview préalablement écrite du président de l’époque, Georges Pompidou. L’intéressé prit fort mal notre refus, et cet « entretien » fut offert à une autre revue, qui l’accepta.
Simple question : l’Élysée – ou le Quai d’Orsay – s’autoriserait-il une proposition similaire à un média américain ou européen, voire asiatique ? La réponse va de soi. Et le commentaire aussi : sous le chaud soleil franco-africain, tout bouge, mais rien ne change.
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