Alexandre Gandou : « Nous aurons un marché unifié avant la fin de l’année »

Le rapprochement des Bourses du Cameroun (DSX) et d’Afrique centrale (BVMAC) doit se concrétiser prochainement. Le patron de l’autorité de régulation de la Cemac, la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale (Cosumaf), explique les grandes lignes de ce processus.

Au siège de la Cosumaf, à Libreville, le 13 mai 2010. © Tiphaine Saint-Criq pour J.A.

Au siège de la Cosumaf, à Libreville, le 13 mai 2010. © Tiphaine Saint-Criq pour J.A.

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Publié le 4 juin 2010 Lecture : 5 minutes.

Banques : après la crise
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Banques : après la crise

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Jeune Afrique : Depuis dix ans, le marché financier que les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) veulent mettre en place balbutie. Quel bilan en faites-vous ?

Alexandre Gandou : Un bilan très encourageant, car nous avons réussi à instaurer les conditions d’un démarrage sécurisé. Lancer un marché financier est un processus de longue haleine, cela ne se décrète pas par un diktat. On a pris le temps de mettre en place un socle juridique et, aujourd’hui, le marché est opérationnel. À la BVMAC [installée en 2003 à Libreville, voir encadré page suivante, NDLR], quatre emprunts obligataires ont été réalisés, deux par des États et deux par des opérateurs privés. Soit une levée de fonds autour de 250 milliards de F CFA [381 millions d’euros, NDLR]. C’est très positif, mais cela nous laisse quand même sur notre faim étant donné, d’une part, l’énormité des besoins de financement, et d’autre part, l’excédent budgétaire des États de la zone qui représente un important gisement d’épargne financière.

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Au départ, vous estimiez très élevé le potentiel du marché. Que s’est-il passé pour que les objectifs ne soient pas atteints ?

L’ambition de nos chefs d’État était d’avoir un marché financier performant. Hélas, une autre volonté politique a choisi d’avoir un marché national [au Cameroun, NDLR]. Cela a quelque peu brouillé la perception que la communauté avait du marché financier. C’est en partie cette absence de visibilité, mais aussi de culture boursière, qui nous a freinés.

À propos de culture boursière, la préparation des acteurs du marché était-elle le principal enjeu des séminaires organisés à Douala en octobre 2009 et à Bata les 29 et 30 avril ?

Tout à fait, parce que nous sommes dans un domaine où la technique est très importante. Afin d’être sûr que les acteurs soient à la hauteur pour mettre en place des produits financiers, il faut déjà recruter le personnel. De plus, on assiste à des changements à la tête des acteurs du marché : DSX a connu deux dirigeants différents, ce qui peut aussi expliquer la lenteur du décollage du marché. Il faut vraiment travailler à l’élévation des compétences des acteurs.

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Les obstacles au rapprochement de DSX et de la BVMAC sont-ils le fait des fonctionnaires et des politiques qui ont quelque intérêt à faire exister deux Bourses dans la sous-région ?

Cela peut vous surprendre, mais pour ma part j’observe aujourd’hui une convergence. D’abord, la volonté politique est présente. Elle a pris forme lors du sommet de Bangui [les 16 et 17 janvier, NDLR]. Ensuite, il y a des forces de marché, à Douala, qui ont décidé d’aller vers le rapprochement. Il faut absolument travailler à la conjonction de ces deux forces. Nous restons très optimistes et pensons que, d’ici à la fin de l’année, nous pourrons satisfaire le souhait de l’Afrique centrale de se doter d’un marché unifié.

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Il y a un problème d’interprétation des termes. On a pu entendre le ministre des Finances du Cameroun dire que « rapprochement » n’avait rien à voir avec « fusion »… 

Il faut partir du constat qu’aujourd’hui la faiblesse des Bourses africaines réside dans leur petite taille. Un marché financier restreint est inefficace. Quand on nous demande de mieux organiser le marché, il s’agit de l’agrandir. Pour ce faire, on peut conserver les deux places boursières en les organisant mieux, en harmonisant leurs règles, en faisant dialoguer leurs régulateurs, etc. Nous pouvons soit emprunter cette démarche du rapprochement par étapes, soit aller droit à la fusion. Car l’idée d’un marché plus grand, c’est de faire des économies d’échelle. La coexistence de deux marchés entraîne une duplication des dépenses, tandis que leur fusion équivaut à baisser les coûts, ce qui profite aux émetteurs. Parce que ce sont eux qui font le marché, pas les politiques. Si la Bourse dépense beaucoup, elle doit répercuter cela sur les commissions. Et si l’émetteur est obligé de recourir à un avocat pour comprendre des normes juridiques différentes dans une si petite zone, cela augmente les coûts de l’accès, et c’est dommage.

Combien de temps pensez-vous que ce processus prendra encore ?

On devrait attendre jusqu’à la prochaine conférence des chefs d’État de la Cemac, prévue en juin. À ce moment-là, il faudra qu’on ait dépassionné les débats, qu’on ait établi la confiance. On a sollicité la Banque africaine de développement, une banque crédible qui nous a produit un schéma d’organisation. Ensuite, il appartiendra aux chefs d’État de décider, mais si je peux donner mon intime conviction, c’est qu’il serait mieux d’aller vers un marché doté d’un régulateur unique.

Les filiales des entreprises étrangères sont-elles prêtes à jouer le jeu ?

Un autre défi serait de convaincre les grandes entreprises implantées dans notre zone, pour la plupart des filiales de grands groupes, dont les maisons mères sont cotées ailleurs. À mon avis, ça ne devrait pas poser de problème que leurs filiales le soient également chez nous, et cela permettrait que notre cote regroupe les meilleures entreprises des différents secteurs de notre économie. Si nous n’arrivons pas à les persuader, il faudra que les politiques interviennent pour leur expliquer qu’il faut un retour d’ascenseur. Ces entreprises font des bénéfices sur nos économies et ce serait normal que les ressortissants de la région introduisent leur épargne dans les titres de ces filiales. D’autre part, il faudrait convaincre les banques et les compagnies d’assurances du label de qualité, en termes de transparence, que représente une introduction en Bourse, afin de les amener à venir sur le marché augmenter leurs fonds propres en ouvrant leur capital ou en émettant des emprunts obligataires.

Qu’en est-il des incitations telles que les exonérations fiscales ?

Un marché est d’abord la résultante d’une volonté politique. Cette dernière s’est manifestée lorsque nous avons demandé aux dirigeants une exonération fiscale pour accompagner le marché. Nos États ont élaboré des mesures à cet effet, parmi lesquelles une baisse significative des impôts qui passeraient de 35 % à 20 % pour une entreprise entrant en Bourse. C’est une mesure extraordinaire. Il y en a d’autres : les impôts qui frappent les revenus des valeurs mobilières sont à des niveaux très attrayants. D’autres dispositions fiscales sont attendues. Il faut encore en faire la promotion pour rendre les opérations boursières attractives.

Est-ce qu’un émetteur étranger peut venir prélever des fonds sur le marché d’Afrique centrale en toute sécurité juridique ?

La particularité de notre marché est que nous l’avons mis en place patiemment. Nous le mettons progressivement au niveau des standards internationaux. La meilleure démonstration, c’est l’arrivée sur ce marché de la SFI [Société financière internationale, NDLR], qui est une institution dépendant de la Banque mondiale et un grand émetteur du type A. Elle ne peut pas prendre le risque de remettre en question sa notoriété en venant sur un marché qui ne répond pas aux normes internationales. Il faut aussi se féliciter de la décision des actionnaires de la BVMAC d’investir 1,6 milliard de F CFA [2,4 millions d’euros, NDLR] pour acquérir le logiciel de cotation le plus pointu de l’heure. Le taux de cotation à la Bourse régionale est le même qu’à New York, à Dubaï, en Tunisie ou au Maroc. De ce point de vue, je pense que nos émetteurs seront contents d’avoir un outil aussi performant.

Propos recueillis à Libreville par Georges Dougueli.

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