Le job de président

Publié le 28 mai 2010 Lecture : 2 minutes.

L’Afrique est sans nul doute le continent où tout le monde ou presque estime être en mesure d’exercer le métier de président de la République. Tout se passe comme s’il était inscrit quelque part que nulle qualification spécifique ni qualité particulière n’étaient requises pour pouvoir assumer la plus haute fonction. Il n’existe certes pas d’école où on forme les présidents ni d’études qui destinent à la magistrature suprême. Est-ce à dire pour autant que n’importe qui peut occuper le fauteuil présidentiel ? Nombre d’Africains, y compris dans les milieux les plus aisés et les plus éveillés, le pensent. Il n’est pas rare d’entendre dire sur le continent : « On ne demande pas à un président de la République d’être un génie. On lui demande juste de pouvoir s’entourer de compétences et de tirer le meilleur d’elles, chacune dans son domaine. »

Cette rengaine est devenue l’argument définitif d’une élite obligée de faire contre mauvaise fortune bon cœur, dans nombre d’États dirigés depuis les indépendances par des militaires incultes ou des politiciens obscurantistes. Sur un continent où ont régné les gardiens de chèvres Idi Amin Dada et Mengistu Haïlé Mariam, ainsi que des bidasses à peine scolarisés (Gnassingbé Eyadéma, Lansana Conté, Nino Vieira…), n’importe quel analphabète pouvait arracher le pouvoir par les armes et le conserver pendant des décennies.

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Le vent de la démocratisation n’a pas apporté plus de matière grise à la tête des États. Nombre de putschistes galonnés ont troqué leur treillis contre des vestes sur mesure et des boubous pour se faire adouber à la faveur d’élections truquées. D’autres sont devenus rebelles pour s’imposer par la force du fusil avant de passer sous le sceau d’élections plus ou moins fictives. Ainsi de Charles Taylor, qu’on a laissé gagner au Liberia en juillet 1997 en croyant payer le prix d’une paix qui n’est jamais venue, et, récemment, de Pierre Nkurunziza, un professeur d’éducation physique reconverti en chef de guerre, arrivé à la tête du Burundi en août 2005.

L’Afrique n’a certes pas le monopole des chefs d’État a priori atypiques pour le job. L’acteur de cinéma Ronald Reagan a dirigé les États-Unis et le syndicaliste Luiz Inácio Lula da Silva est aujourd’hui à la tête du Brésil.

Le continent noir reste toutefois celui où les aspirants au pouvoir s’inquiètent le moins du coefficient intellectuel et du parcours professionnel requis pour pouvoir l’exercer. Footballeur populaire dans son pays, George Weah s’est estimé apte à être président d’un Liberia qui avait besoin d’une thérapie de choc après une décennie de guerre civile et de destructions.

Même le passage désormais obligé devant les électeurs n’a pas dissuadé ceux qui ont les profils les moins avantageux. La présidentielle guinéenne du 27 juin verra ainsi la participation d’un vendeur de yaourts inculte, d’un homme d’affaires analphabète et d’un diamantaire fantasque. Des candidatures aussi fantaisistes ne cesseront en Afrique que le jour où le pouvoir imposera autant d’obligations de résultat qu’il offre d’avantages. Le job de président est un sacerdoce. Arrivé fringant à la Maison Blanche en novembre 2008, le président américain Barack Obama, qui voit ses rides se creuser de jour en jour, en sait quelque chose. 

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