J’envie ceux qui haïssent Israël

Dans un éditorial publié par « Haaretz », avant l’assaut de la flottille humanitaire au large de Gaza, Bradley Burston s’insurge, sur le mode de l’ironie grinçante, contre la politique autodestructrice du gouvernement de Tel-Aviv.

Publié le 30 mai 2010 Lecture : 3 minutes.

En des temps comme ceux que nous vivons, j’envie ceux qui, à travers le monde, méprisent avec passion, résolument et de tout cœur l’État hébreu. Car il suffit de haïr Israël pour que ses erreurs et ses bévues, son autosatisfaction aveugle et sa politique d’autodestruction ne soient pas sources de douleur mais plutôt de plaisir.

Il suffit de haïr Israël pour perdre toute envie de se battre pour que les choses aillent mieux. Il suffit de haïr Israël pour finir même par croire que non seulement ce pays mérite, en guise de punition, d’être remplacé par un autre État, mais aussi qu’il s’en charge en réalité très bien tout seul.

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Il fut un temps où Israël s’efforçait d’avoir sa place dans la communauté des nations. Il fut un temps où l’un de ses objectifs fondamentaux était de se débarrasser de son statut de nation mise en quarantaine, boycottée, non reconnue, mal-aimée ou rejetée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Sans demander son avis au peuple et sans y réfléchir à deux fois, Israël a pris, au plus haut niveau, une décision capitale : il a rejoint les rangs de ceux qui veulent voir en lui l’un des pires États parias.

Résolu à prendre en main son destin, Israël a décidé, au plus haut niveau, que le travail de délégitimation de l’État juif ne devait plus être laissé à des étrangers ou à des amateurs. Visiblement impatient d’accéder au rang de paria, il a décidé de le devenir par ses propres moyens.

J’en suis venu à envier les gens qui haïssent Israël. Ils ont toutes les raisons du monde d’être satisfaits. Ce que, de la Grande-Bretagne à l’université américaine de Berkeley, l’extrême gauche a échoué à faire, à savoir créer le sentiment chez les alliés d’Israël que celui-ci est devenu un agresseur cruel sans foi ni loi qui mérite d’être sanctionné et ostracisé, c’est l’extrême droite, au sein même du gouvernement israélien – et particulièrement son ministre des Affaires étrangères –, qui semble déterminée à le réaliser.

Nous aurions dû savoir que quelque chose comme le fiasco de l’assassinat de Dubaï [d’un responsable du Hamas, NDLR], que le monde a unanimement attribué à Israël, allait se produire. Le processus de délégitimation d’Israël, qui passait par le pestiféré juge Richard J. Goldstone et l’effrontée Turquie, avançait trop lentement. Si les raisons invoquées pour justifier l’assassinat présumé de Dubaï sont discutables, comme celles de beaucoup trop d’agissements d’Israël ces derniers temps, l’impact négatif, lui, est indéniable. Pourtant, la mise en péril de nos relations avec le Royaume-Uni, l’Irlande, la France, l’Autriche et l’Australie par l’usurpation d’identité, ajoutée au fait qu’Israël s’était ainsi rendu indigne de confiance, ne suffisait pas. Une suite rapide s’imposait : mettre les États-Unis dans l’embarras.

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Dans une démarche sidérante d’orgueil, d’ignorance et de mépris envers les États-Unis et les Juifs d’Amérique, le ministre des Affaires étrangères, pourtant chef de file de la campagne de lutte contre le boycott d’Israël à l’étranger, a refusé de rencontrer cinq parlementaires américains. Pourquoi ? Parce que leur visite était organisée sous les auspices du lobby J Street, coupable, aux yeux du ministre, de se définir comme « pro-israélien » sans pour autant adhérer aveuglément à tout ce que fait et dit le gouvernement de Tel-Aviv.

Ce que ce gouvernement m’a appris, c’est que les gens qui sont trop intelligents pour être capables de se regarder avec lucidité deviennent stupides. Et les pays qui ne supportent pas de regarder autour d’eux, même si c’est pour de bonnes raisons, deviennent dangereux, et en premier lieu pour eux-mêmes.

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J’en suis venu à envier les gens qui haïssent Israël, parce qu’ils ne peuvent pas ressentir la tragédie que représente le gâchis d’un prodigieux champ des possibles et d’une humanité profonde. Ils n’auront ni le sentiment d’avoir été trahis, ni l’impression d’avoir perdu quelque chose. Ils n’éprouveront qu’un malin plaisir.

Un jour prochain, ne serait-ce que parce qu’Avigdor Lieberman risque d’être inculpé pour blanchiment d’argent dans des pays qui nous détestent peut-être déjà, les choses vont changer. J’y crois vraiment. Je dois y croire. Mon père n’a pas fui l’URSS pour voir son fils finir dans un pays qui y ressemble. 

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