Passeurs de cultures
France-Afrique, les nouveaux réseaux
En 1999, l’écrivain et diplomate français Olivier Poivre d’Arvor prenait la direction de l’Agence française d’action artistique (Afaa), placée sous la double tutelle du ministère de la Culture et du ministère des Affaires étrangères et chargée de promouvoir la culture hexagonale dans le monde.
En 2006, l’Afaa a fusionné avec l’Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF) et donné naissance à CulturesFrance (33 millions d’euros de budget en 2008). Poivre d’Arvor en est resté le directeur. À ce titre, il a longtemps été le grand ordonnateur des relations culturelles entre la France et le continent, en particulier via le réseau des centres culturels français. La revue Culture Sud, animée par la journaliste et écrivaine Nathalie Philippe, demeure, à l’instar d’Africultures, d’Olivier Barlet, un bel instrument de promotion de la création africaine et des échanges culturels France-Afrique.
Mais pour CulturesFrance, la situation pourrait radicalement changer dans les mois à venir. L’association loi 1901 doit devenir un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) sobrement baptisé Institut français. L’ambassadeur de France au Sénégal et académicien Jean-Christophe Rufin a refusé d’en prendre la tête après avoir constaté que les moyens ne seraient sans doute pas à la hauteur de l’enjeu. Poivre d’Arvor devrait s’envoler pour l’ambassade de France en Grèce.
Selon bon nombre d’observateurs, l’influence de l’institution est de toute manière appelée à décroître. L’architecte Jean-Loup Pivin, l’un des créateurs au début des années 1990 de Revue noire, déclare sans ambages : « La France est encore hagarde de sa perte d’influence. » Il reconnaît tout de même l’importance du travail accompli par son ami et collègue, l’écrivain et commissaire d’exposition camerounais Simon Njami, qui s’est notamment illustré avec la grande exposition Africa Remix. Si Pivin pense aussi que « le rapport de la France à l’Afrique n’est plus intéressant en soi », il cite néanmoins le marchand d’art André Magnin, directeur artistique de la Contemporary African Art Collection de l’investisseur italien Jean Pigozzi.
Ainsi émerge l’idée que les initiatives privées et locales supplantent désormais les grands projets nationaux. Sont cités par exemple les activités de la fondation de Marie-Cécile Zinsou à Cotonou (Bénin), le mécénat d’entreprise de la Fondation Blachère (éclairage urbain) ou de Tilder (conseil en communication), les très nombreux festivals français qui se tournent vers l’Afrique (Rio Loco à Toulouse, les Francophonies en Limousin, Littératures métisses à Angoulême, etc.), la maison de vente aux enchères Gaïa (Raoul Mahé et Nathalie Mangeot), les spécialistes Afrique de certaines maisons d’édition (Bernard Magnier chez Actes Sud, Jean-Noël Schifano chez Gallimard, Robert Ageneau chez Karthala, Denis Pryen chez L’Harmattan, Guy Lambin aux NEI), l’attachée de presse Catherine Philippot (Revue noire, Biennale de Bamako), etc.
Reste que pour les businessmen de l’édition, en France, le continent demeure une bonne affaire. Ramsay-Vilo (éditeur de Simone Gbagbo), Balland-Éric Naulleau (Le Code Biya) et surtout Michel Lafon, spécialiste en la matière (Abdoulaye Wade, Denis Sassou Nguesso), ne dédaignent pas le lucratif marché des livres signés par des chefs d’État.
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