Femmes de Tunis
Raja Amari, la réalisatrice tunisienne du très remarqué « Satin rouge », revient avec « Les Secrets ». Un conte de fées moderne et noir magnifiquement interprété par Hafsia Herzi.
Décidément, les femmes du monde arabe, une fois n’est pas coutume, occupent aujourd’hui beaucoup les écrans. Et de belle manière. À peine le très réussi Femmes du Caire, de Yousry Nasrallah, est-il devenu visible hors d’Égypte qu’un nouveau film consacré à la moitié du ciel, réalisé cette fois par la très prometteuse Tunisienne Raja Amari, arrive dans les salles françaises. Vu l’excellente surprise qu’avait représentée la sortie de son premier long-métrage, un récit d’émancipation féminine intitulé Satin rouge, on attendait avec impatience le suivant. Et l’on n’est pas déçu. Une nouvelle fois, elle démontre qu’elle ne craint pas d’aborder des sujets délicats et originaux et, surtout, qu’elle a du style.
Avec Les Secrets, Raja Amari voulait offrir, dit-elle, « un conte de fées moderne et noir ». Moderne, il l’est par définition puisque l’histoire, bien que non datée, se passe de nos jours à la périphérie de Tunis. Trois femmes, deux sœurs aux caractères opposés – la post-adolescente Aïcha très infantile, voire attardée et rebelle, et Radhia, l’aînée soumise – et leur mère, vivent clandestinement dans une sorte de palais colonial très kitch abandonné depuis longtemps.
Noir, il l’est également puisque ce huis clos, qui se passe au sous-sol dans les anciennes pièces de service, est brisé par l’arrivée inattendue, à l’étage « noble » donnant sur le jardin d’un couple, du fils des propriétaires disparus et de sa très belle compagne, Salma. Le long-métrage prend alors les allures d’un film à suspense. Découvertes par Salma à la suite d’une imprudence d’Aïcha, que fascinent la jeune femme « du dessus » et ses atours, les recluses enlèvent cette dernière qu’elles gardent prisonnière. Jusqu’à… une fin violente et tragique, à la hauteur de la folie familiale qui réunit les trois squatteuses, mais que nous ne dévoilerons pas.
« Surmonter sa peur »
La principale héroïne du film, Aïcha, est magnifiquement interprétée par Hafsia Herzi. Révélée en 2006 par La Graine et le Mulet, d’Abdellatif Kechiche, dans lequel elle exécutait notamment une inoubliable et interminable danse du ventre pour sauver le héros du film et sa famille, elle ne craint pas les rôles difficiles et exposés, voire osés. Comme presque tous ceux qu’elle a interprétés au cours de sa jeune mais déjà riche carrière. « C’est super, dit-elle, d’avoir à jouer des personnages forts. » Le reste est secondaire. N’empêche qu’elle aimerait bien qu’on lui propose enfin de « jouer une princesse, une fille très belle ».
Pour Les Secrets, il lui a fallu quelque peu « surmonter sa peur », car Aïcha ne parlant presque pas, « il fallait tout miser sur les gestes et les regards » pour lui donner de l’épaisseur, de l’humanité. Mais Raja Amari, « supergentille », et les autres actrices, « très complices », l’ont beaucoup soutenue. C’était donc « génial » et même « super » – on aura compris qu’elle emploie volontiers ce mot – de participer, qui plus est en vedette, à ce film de femmes, d’autant que celles-ci « sont plus sérieuses que les hommes ». Quant à tourner en Tunisie, le pays de son père, elle a adoré, car elle s’y sent chez elle, même si elle n’y était plus retournée depuis sa petite enfance. Elle s’y rendrait volontiers plus souvent, mais elle a « trop peur de l’avion ». Au point de ne pouvoir le prendre que si c’est vraiment obligatoire.
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