Vive la baisse de l’euro !
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 19 mai 2010 Lecture : 3 minutes.
Partie de Grèce, la tempête économique et financière qui souffle sur l’Europe depuis plusieurs semaines suscite des commentaires catastrophistes sur la chute de la monnaie européenne, voire sur l’éclatement de la zone euro. Ce scénario semble peu vraisemblable, surtout après la mobilisation des gouvernements de la zone, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, qui ont mis sur la table plus de 750 milliards d’euros pour rassurer les marchés en folie. Reste la baisse indéniable de la monnaie européenne par rapport au dollar.
Première remarque : il ne s’agit pas d’un effondrement. En six mois, l’euro est grosso modo revenu de 1,50 à 1,30 dollar, soit une dépréciation de 13 % environ. Au début des années 2000, il végétait en dessous de 0,90 dollar. Pas de quoi crier au désastre, surtout qu’il y a quelques semaines encore les médias européens se lamentaient qu’un euro trop fort rende difficiles, parce que moins compétitives, les exportations d’Airbus, de TGV ou de centrales nucléaires. Nicolas Sarkozy s’en était ému à plusieurs reprises.
Deuxième remarque : à travers le franc CFA qui lui est lié par un taux de change fixe, les effets du glissement de l’euro se font sentir en Afrique, mais dans des sens contraires selon que le pays est importateur de produits pétroliers ou non. En effet, les prix des hydrocarbures étant libellés en dollars, tout renchérissement de la devise américaine alourdit la facture des importations de gaz ou de pétrole.
De ce point de vue, l’Afrique centrale, riche en gisements, est favorisée par les ajustements monétaires en cours. En revanche, les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique de l’Est, plus agricoles, verront leur énergie mais aussi leurs engrais et leurs transports devenir plus coûteux. Cette évolution aurait été dangereuse si les cours des autres matières premières n’étaient repartis à la hausse grâce à l’Asie dont l’étonnante croissance économique exige charbon, métaux non ferreux, produits agricoles en grandes quantités. Ces hausses ont compensé la montée du coût des carburants due au renchérissement du dollar.
Troisième remarque : en définitive, tous les pays de la zone franc CFA profitent du recul de l’euro. Notamment parce qu’ils ont moins besoin de subventionner certaines filières qui équilibrent mieux leurs comptes grâce au redressement des cours. Le coton en est un bon exemple : les budgets des États producteurs sont moins sollicités, puisque les recettes que ceux-ci tirent des exportations de la fibre sont plus abondantes.
« Il s’agit d’un retour à la normale, commente Laurent Demey, directeur général délégué de Proparco, l’institution financière filiale de l’Agence française de développement. La baisse du franc CFA redonne aux exportations de la zone la compétitivité que sa hausse avait dégradée. Beaucoup de secteurs en profitent : le coton, bien sûr, mais aussi le café, le cacao, l’hévéa et même l’huile de palme. »
Restent deux questions. Tout d’abord, est-ce que cette embellie va se poursuivre ? « Il n’y a pas de raison que l’euro et donc le franc CFA remontent par rapport au dollar, répond Laurent Demey. Ils pourraient même baisser encore un petit peu face au billet vert, car la reprise européenne s’annonce plus faible que l’américaine, ce qui laisse présager une hausse des taux outre-Atlantique et donc une nouvelle hausse du dollar. »
Enfin, est-ce que cet avantage de change suffira à régler les difficultés de certaines filières d’exportation ? « Mes amis africains auraient tort de croire qu’une parité plus convenable franc CFA dollar supprimera les tribulations de leur coton, répète depuis des années le romancier Erik Orsenna, auteur d’un joli livre sur « l’arbre à laine », Voyage au pays du coton. Pour cela, il faudrait qu’ils améliorent fortement leur productivité et qu’ils maîtrisent mieux la qualité de leur production, sinon les Brésiliens les dévoreront. »
La monnaie ne fait pas à elle seule le développement économique. Loin de là.
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