Le pays qui n’existe pas
Dahir Riyale Kahin, président en quête de reconnaissance internationale, est venu plaider la cause de l’ancienne Somalie britannique à Paris. Jeune Afrique l’a rencontré.
Inlassablement, ses dirigeants répètent qu’ils « attendront encore des dizaines d’années s’il le faut » pour être reconnus. Le Somaliland (3,5 millions d’habitants au nord de la Somalie) a tous les attributs d’un État : frontières, drapeau, monnaie… Il fabrique même ses propres passeports, avec lesquels ses diplomates vont, chez des pays amis arrangeants, plaider leur cause : celle de l’indépendance, proclamée unilatéralement en 1991. Mais jusqu’à présent, aucun pays au monde n’a reconnu sa souveraineté.
Dès 1961, le Somaliland (britannique) dénonçait la fédération qui l’avait uni à la Somalie (italienne), un an plus tôt. Déjà personne n’entendait son plaidoyer. Et pas plus qu’hier l’Union africaine (UA) n’est prête à abandonner le principe de « l’intangibilité des frontières », par crainte d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications sécessionnistes. « Il faut se saisir de la question du Somaliland », concluait son dernier rapport de 2009. Mais rien n’a changé depuis.
Des bureaux ont bien été ouverts à Bruxelles, à Paris, à Washington, tandis que l’Éthiopie, le Kenya, le Yémen et la Grande-Bretagne ont installé une représentation plus ou moins officielle à Hargeisa, la « capitale ». La coopération de facto progresse mais la reconnaissance légale est encore un sujet tabou. Avec la France, le président Dahir Riyale Kahin affirme avoir « commencé les négociations » en vue d’une reconnaissance. Il a été reçu début mai, au Quai d’Orsay, par le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et, à l’Élysée, par le conseiller Afrique de Nicolas Sarkozy, André Parant.
Convaincre les Occidentaux
Mais il faut d’abord restaurer l’État en Somalie, martèlent la plupart des pays. « Les internationaux persistent à inventer un État qui n’existe pas et à nier la réalité d’un autre », argumente Riyale Kahin. « Pourtant, une fois indépendants, nous serons la solution au bazar chez nos frères », complète le ministre des Affaires étrangères, Abdillahi Duale.
Le prochain référendum sur l’indépendance du Sud-Soudan, prévu en 2011, pourrait toutefois créer un précédent et s’ajouter à l’argumentaire du Somaliland. Pour convaincre les Occidentaux, les officiels disposent en attendant d’argumentaires bien rodés, allant de « Nous luttons efficacement contre la piraterie et contre le terrorisme » à « Rien n’a récompensé notre mise en œuvre de la démocratie et de la bonne gouvernance ».
Aucune élection
Cependant, chacun note que depuis 2005 aucune élection ne s’est tenue. Le mandat du président, élu en 2003, a expiré en mai 2008 et a depuis été prolongé cinq fois par le Conseil des sages, dont le mandat est lui-même prolongé par… le président. En parallèle, entre 2008 et 2009, l’établissement d’une nouvelle liste électorale a entraîné de larges fraudes et des protestations de l’opposition. Depuis, Riyale Kahin accuse Interpeace, le partenaire technique suisse de la commission électorale, d’avoir causé le blocage.
Pour l’ONG International Crisis Group, en revanche, ces événements sont « les symptômes de problèmes politiques plus profonds » : la limitation à trois du nombre de partis autorisés, la manipulation des solidarités claniques par tous les acteurs, les efforts du président pour rester au pouvoir…
Aujourd’hui, la distribution de nouvelles cartes à 1,1 million d’électeurs a commencé. Le gouvernement « reconnaît les erreurs commises par tous » et promet que l’élection ne sera plus reportée – dès qu’une date aura été fixée dans les mois à venir. Le chef de l’État se présentera pour un second mandat. En 2010 doivent aussi avoir lieu des scrutins législatifs et locaux, dont l’opposition avait exigé le report après la présidentielle.
Les rumeurs de réarmement de milices claniques devraient alors s’éloigner. Mais, si besoin était, les États ont trouvé là de quoi alimenter leur refus de reconnaître le Somaliland.
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