Foot : les caisses et les stades sont vides
Suspendu fin avril faute d’argent, le championnat a repris tant bien que mal. Pour combien de temps ? Sans sponsors ni public, les clubs se meurent.
Il pleut, ce vendredi 7 mai. Ce n’est pas une raison valable pour sécher l’entraînement – le dernier avant le match qui opposera, le lendemain, l’Étoile filante de Ouagadougou (EFO), en tête du classement du championnat de première division, au modeste avant-dernier Sourou Sport. « Deux joueurs ne sont pas venus. Je couperai 10 000 F CFA (15,25 euros) dans leur salaire », annonce François Monguehi Guehi, au bord du terrain. Le coach ivoirien au CV bien rempli et recruté en début de saison ne badine pas avec la discipline.
Il y a quelques mois, le club phare du Burkina (12 titres de champion) s’est débarrassé de 17 joueurs « qui venaient quand bon leur semblait à l’entraînement », selon le président de l’EFO, Lazare Bansse. Ils n’étaient pourtant pas à plaindre : avec des salaires oscillant entre 75 000 et 250 000 F CFA (entre 115 et 380 euros) par mois – sans compter les primes de match –, l’EFO est le club le mieux loti du pays. Dans de nombreuses équipes, les joueurs ont un statut d’amateur. Dans d’autres, « le salaire ne dépasse pas 30 000 F CFA », indique Laurent Béré, secrétaire général de la Ligue nationale de football (LNF). Le football ici, c’est désormais pénurie et bouts de ficelle.
Faute d’argent, le 23 avril, la LNF a dû se résoudre à suspendre le championnat : elle ne pouvait plus payer les frais de mission des officiels et des clubs. Au Burkina, c’est la Fédération burkinabè de football (FBF) qui paye les déplacements de clubs souvent sans le sou – sans sponsors, sans financements publics, sans supporteurs. Mais ses caisses sont vides. Selon un audit réalisé par l’Inspection d’État, la dette de la FBF culmine à 417 millions de F CFA. À la fin d’avril, ses comptes et son matériel ont été saisis. Grâce à une aide de la présidence de la République, le championnat a repris le 2 mai. Mais pour combien de temps ? « En Côte d’Ivoire, le championnat est sponsorisé jusqu’en 2019. Nous, on ne sait même pas si on finira cette année », se désole Bansse.
Cercle vicieux
Depuis l’interdiction faite aux marchands de tabac de financer le sport, en 2003, les 200 millions que versait chaque année la Manufacture burkinabè de cigarettes (Mabucig) n’ont pas été remplacés. « Et aucun club n’a de sponsor », constate Laurent Béré. L’EFO fonctionne grâce aux cotisations de ses adhérents (parmi lesquels de nombreux responsables de sociétés nationales). « Certains dirigeants y laissent leur chemise », indique le secrétaire d’un club de deuxième division. « Moi, je peux partir à un match avec 20 000 F CFA et revenir avec 0. Il faut payer à boire, à manger aux joueurs. Quand l’un d’eux est malade, il faut lui acheter les médicaments… » Comme le note Laurent Béré, « il est difficile dans ces conditions de motiver les joueurs ». Certains se font recruter dès qu’ils peuvent, en Égypte, en Tunisie ou par d’obscurs clubs d’Europe de l’Est.
« C’est un cercle vicieux, regrette Bansse. Le niveau baisse, le spectacle aussi, les spectateurs fuient les stades, et les rentrées d’argent se réduisent. » Aujourd’hui, l’affluence moyenne ne dépasse pas les 1 000 personnes par match. La FBF a bien tenté de mettre en place un système de tombola et de baisser le prix des billets, le problème reste entier. « Les Burkinabè préfèrent voir les matchs de la Ligue des champions européenne à la télé plutôt que de se rendre au stade le week-end. » « Quand on s’habitue à ce genre de match, il est difficile de supporter ce qu’on voit ici », commente Moussa Kaboré, un fan du ballon rond.
C’est tout le paradoxe d’un pays plutôt bien noté au classement de la Fifa (52e, soit le 8e pays africain), qui compte dans ses rangs Charles Kaboré, récemment sacré champion de France avec l’Olympique de Marseille, mais dont le championnat local se meurt.
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