L’opposition fait marche arrière

Publié le 16 mai 2010 Lecture : 3 minutes.

Annoncée à grand renfort médiatique depuis plus de deux mois, la « marche blanche » que l’opposition prévoyait d’organiser le 15 mai à travers tout le pays n’a finalement pas eu lieu. Elle a été reportée sine die. Une pilule amère pour les militants, qui accusent leurs leaders de faire le « jeu du président Gbagbo ».

« A l’approche de l’échéance, les deux camps ont pris peur, explique un membre influent de l’opposition, sous le couvert de l’anonymat. Certain que ce mouvement était insurrectionnel, Gbagbo se préparait en conséquence. Et, de leur côté, nos jeunes étaient prêts à se défendre. Il y avait un risque énorme de dérapage. »

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De fait, depuis quelques semaines, les jeunes leaders de l’opposition appelaient plus ou moins ouvertement à renverser le chef de l’Etat. « Nous avons perdu le contrôle sur nos cadets », poursuit ce cadre. « Le scénario des organisateurs ressemblait à celui des Chemises rouges en Thaïlande : occuper la rue jusqu’à obtenir une date pour les élections et la chute de Laurent Gbagbo. On n’allait pas laisser faire », commente un officier supérieur des services de renseignements de la présidence.

Risque de bain de sang

La tension était si vive que les deux parties ont paniqué, aucune ne voulant assumer la responsabilité d’un bain de sang. Conscient qu’un dérapage violent nuirait terriblement à son image, le chef de l’Etat a pris l’initiative de rencontrer l’ancien président Bédié, le 10 mai.

Après cet entretien, il aura fallu encore trois jours de discussions intenses entre les protagonistes – facilitées par Jean-Marc Simon, l’ambassadeur de France, par le Coréen Choi Young-jin, chef de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, et par Boureima Badini, le représentant du médiateur burkinabè, Blaise Compaoré. Et, surtout, les amicales pressions des dirigeants de la Banque africaine de développement (BAD), qui n’avaient pas envie de voir la tenue de leur assemblée générale compromise – elle est prévue à Abidjan les 27 et 28 mai.

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« Juste après sa rencontre avec Gbagbo, Bédié a vu Ouattara en tête à tête, et ils sont tout à fait en phase », explique un cadre du Rassemblement des républicains (RDR), qui veut faire taire toute présomption de rapprochement Gbagbo-Bédié au détriment de l’ancien Premier ministre. 

Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), auquel appartiennent le RDR et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ne sort pas pour autant indemne de cette reculade. Anaky Kobena, du Mouvement des forces d’avenir (MFA), et Albert Toikeusse, de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), étaient favorables au maintien de la marche, arguant que « Gbagbo ne comprend qu’un seul langage : la force ».

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Du côté des médiateurs, on se félicite de « la sagesse » du report. Cependant, prédit l’un d’entre eux, « ils remettront ça après la réunion de la BAD, et là, personne ne pourra les arrêter ».

« Reporter la manifestation, ce n’est pas mon choix. Mais ce n’est que partie remise, nous ne baisserons jamais les bras », assure Kouadio Konan Bertin, président de la jeunesse du PDCI. 

Les jeunes houphouétistes travaillaient depuis des semaines à mobiliser les militants dans tout le pays. Ils avaient évalué à 120 millions de F CFA (183 000 euros) le budget d’organisation des manifestations et avaient reçu un accord de principe de leur direction. Mais il semble que le temps a manqué aux aînés pour réunir cette somme.

Le risque pris par l’opposition de voir ses militants se démobiliser est grand. « Le pire, c’est que nous avons renoncé à manifester sans rien obtenir en échange. C’est une capitulation », conclut un proche des instances dirigeantes du RHDP.

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