Nimrod intimiste
« Le soir, mes pas me portent vers la maison de ma mère. » C’est par cette phrase simple et belle que Nimrod nous fait entrer dans son dernier livre. Sept courts récits dans lesquels il évoque son enfance et son retour au pays natal, une fois par an, dans son quartier de N’Djamena. Lui, « l’étranger capital », qui vit à Paris, a gardé le goût du Tchad.
Il décrit ce pays qui est « tout à la fois un océan de savane, de sable, de ciel ». Les murs en pisé, cette « identité d’argile » qui le bouleverse tant, les étoiles qui éclairent la nuit africaine d’un éclat familier, les caïlcédrats à la sève amère, le bonheur d’une douche en plein air, lorsque la peau est caressée par le soleil, la « lumière de cristal », au petit matin. Il dessine les contours d’une ville qu’il dit « asthmatique », avec ses compatriotes « croulant sous les non-dits ». Il se souvient de ses premières amours, de ses premières classes et du « frère absent », mort-né avant qu’il ne soit lui-même conçu. Il rêve des parties de pêche dans « l’or des rivières », décrit l’ambivalence des sentiments lorsque l’exilé renoue avec ses amis d’enfance, et regrette l’absence du père, un pasteur luthérien respecté, qui restera une « lacune » dans sa vie.
« Ma mère invente le Tchad »
Nimrod, qui a voulu « rendre justice à son enfance », le fait ici de la plus belle manière, en composant ce tableau impressionniste intimiste. Un temps, l’auteur a voulu être peintre. « Je me suis fait peintre des mots à défaut de l’être des couleurs », explique-t-il aujourd’hui. Grand bien lui en a pris. Nimrod est un poète, et cela se sent à chaque page. Ce magnifique livre est dédié à sa mère : « Ma mère est mon terrain d’enquête, son cœur est ma fission nucléaire. » Il poursuit son hommage : « C’est ma mère qui invente ce pays. Comme j’ai mis longtemps pour formuler cette idée. Elle est si simple pourtant. Dépouillé depuis toujours de la moindre de mes richesses, surtout lorsque j’ai eu 19 ans – qui est l’âge de la guerre civile –, le pays n’a eu de cesse de me piller. Ma mère incarne ce dénuement. Aux poètes tchadiens – présents et à venir –, je dédie cette parcelle de nudité que même la fraîcheur matinale dédaigne désormais. Il faut beaucoup d’imagination pour lui trouver un attribut maternel. C’est mon rôle à moi qui suis poète. Ma mère invente le Tchad. »
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