Habré : le procès impossible ?

Président de 1982 à 1990, il a instauré un régime policier répressif et violent. Aujourd’hui, des victimes demandent justice. Une quête inédite contre l’impunité.

Le régime d’Hissène Habré a tué 40 000 personnes selon une commission d’enquête tchadienne. © Pascal Maitre/J.A.

Le régime d’Hissène Habré a tué 40 000 personnes selon une commission d’enquête tchadienne. © Pascal Maitre/J.A.

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Publié le 12 mai 2010 Lecture : 2 minutes.

Tchad, frères ennemis
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Tchad, frères ennemis

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Hissène Habré, 68 ans, sera-t-il un jour jugé pour les violations massives des droits de l’homme perpétrées sous son règne et à son instigation par la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), son ancienne police politique ? C’est le rêve des familles des victimes, de ceux qui ont réchappé à la répression et à la torture, de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et d’un certain nombre d’Africains désireux de voir le continent débarrassé de l’impunité. Le 1er décembre 1990, sous les coups de boutoir des partisans de son ancien bras droit Idriss Déby Itno, Hissène Habré, que l’on croyait d’une bravoure à toute épreuve, n’a pas le choix : il fuit, passe par le Cameroun, avant d’atteindre Dakar, sa terre d’exil.

En 1992, une commission d’enquête tchadienne est créée. Elle rend Habré responsable d’exécutions sommaires et de décès en détention de 40 000 personnes, et recense quelque 200 000 cas de torture. Le feuilleton judiciaire commence le 25 janvier 2000 quand une plainte contre lui est déposée par des Tchadiens devant un tribunal de Dakar. Le 28, le juge Demba Kandji rend une décision historique : il ouvre une information judiciaire contre Habré. Le 3 février, il l’inculpe de « complicité d’actes de torture » et le place en résidence surveillée. Le Sénégal est en période électorale : Abdou Diouf est embarrassé, alors que son adversaire, Abdoulaye Wade, applaudit.

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L’espoir des victimes est de courte durée. Wade élu, le juge Kandji est dessaisi du dossier et muté ; en mars 2001, la justice sénégalaise se déclare incompétente pour juger des faits commis à l’étranger ; en avril, Wade, qui a promis que son hôte ne serait pas jugé au Sénégal, lui donne un mois pour quitter le pays. Saisi par les plaignants, qui craignent de le voir se réfugier hors de portée de la justice internationale, Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, prie Wade de garder Habré. À ce moment-là, un élément important intervient : la découverte par l’ONG Human Rights Watch, à N’Djamena, des archives de la DDS contenant des détails précis sur les faits qui lui sont reprochés.

En novembre 2005, Habré est également l’objet d’un mandat d’arrêt de la justice belge, qui le convoque à la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar. Pour le Sénégal, il est hors de question qu’un ancien chef d’État africain soit jugé en Europe. Dakar s’en remet alors à l’Union africaine, qui lui confie officiellement la mission, en juillet 2006, de juger Habré.

Six mois plus tard, l’Assemblée nationale sénégalaise modifie la Constitution afin que le procès ait lieu. Mais Wade trouve une nouvelle parade : il faut 27 millions d’euros pour cela. Et il attend, patiemment, que la communauté internationale les lui donne. De leur côté, les bailleurs insistent : « Commencez la procédure, nous vous aiderons. » Pendant ce temps, Hissène Habré, discret, remarié à une Sénégalaise, coule des jours tranquilles à Dakar, et la lutte contre l’impunité n’a pas avancé.

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