Disparition de Jabri, un philosophe en politique

Le grand philosophe marocain Mohamed Abed al-Jabri s’est éteint lundi 3 mai, à l’âge de 75 ans.

Mohamed Abed al-Jabri est décédé à Casablanca, le 3 mai. © AIC Press

Mohamed Abed al-Jabri est décédé à Casablanca, le 3 mai. © AIC Press

Publié le 10 mai 2010 Lecture : 2 minutes.

Une belle mort, comme on dit. Ce dimanche 2 mai, Mohamed Abed al-Jabri avait dîné en famille, avec sa femme, ses enfants et ses petits-enfants. Dans l’après-midi, il avait rédigé sa « Chronique du mercredi », destinée au quotidien socialiste Al-Ittihad al-Ichtiraki. Le lendemain, ne le voyant pas se réveiller tôt comme à son habitude, sa femme est allée voir. Pour découvrir qu’il s’était éteint dans son sommeil.

Le célèbre penseur marocain laisse derrière lui une œuvre immense, dont l’influence s’étend à l’ensemble du monde arabe. Né il y a soixante-quinze ans à Figuig, à la frontière algérienne, il fait des études de philosophie à Damas, puis à Rabat. Après une thèse consacrée à Ibn Khaldoun, il fonde le département de philosophie à l’Université marocaine. On se bouscule pour assister à ses cours, notamment à ceux consacrés à Averroès, qu’il tenait pour le précurseur du rationalisme.

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Son œuvre maîtresse, Critique de la raison arabe, publiée en trois volumes, s’articule autour des rapports entre les trois piliers tribu, religion et butin, et se veut une histoire des idées du monde arabo-musulman. Il récidive dans un essai savant, achevé en 2008, en s’attaquant au Coran, dont il propose une interprétation originale, à connotation historique et sans tabous. Publié lui aussi en trois volumes, ce texte suscite remous et débats.

Jabri se fait remarquer en refusant de siéger à l’Académie du royaume. À l’émissaire de Hassan II, il répond : « Si c’est un ordre, je m’exécute, autrement, c’est non. » Le roi revient à la charge, sans résultats. Longtemps, le philosophe s’est contenté de sourire quand on l’interrogeait sur les raisons de son refus. En vérité, il ne se voyait pas faire partie d’une institution qui n’avait pas accueilli le leader socialiste Abderrahim Bouabid. Il a refusé avec la même constance le prix du Maroc, ainsi que d’autres distinctions, dont l’une offerte par Saddam Hussein, assortie de 100 000 dollars, et l’autre par Kadhafi (32 000 dollars).

Avant de se retirer de toute activité politique dans les années 1980 pour se consacrer à la recherche, Mohamed Abed al-Jabri aura été l’une des principales figures de la gauche. Il a siégé au bureau politique de l’USFP, et c’est à lui que l’on doit le rapport idéologique qui, en 1975, opta pour une stratégie légaliste à tous crins.

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