L’appel du 3 mai
Quatre jours à peine après avoir été lancé, le 3 mai, au Parlement européen de Bruxelles, par des personnalités et des membres d’associations juives européennes, l’« Appel à la raison » adressé à l’État hébreu avait déjà recueilli quelque 5 000 signatures. Et non des moindres ! L’ont cosigné, pêle-mêle, les philosophes Bernard-Henri Lévy et Alain Finkielkraut, l’historien Pierre Nora, le chef de file d’Europe Écologie, Daniel Cohn-Bendit, les journalistes Ivan Levaï et Jean Hatzfeld, le cinéaste Elie Chouraqui, la psychanalyste Élisabeth Roudinesco et bien d’autres.
Présenté avec le soutien des diplomates Élie Barnavi et Avi Primor, de l’historien Zeev Sternhell et de représentants de J Street (le nouveau lobby américain « pour Israël et pour la paix »), le JCall (European Jewish Call for Reason) devrait être le point de départ d’un « mouvement européen capable de faire entendre la voix de la raison à tous ». Vaste programme !
Inquiets pour l’avenir d’Israël et embarrassés par l’érosion de sa légitimité internationale après l’opération « Plomb durci », les signataires appellent les Juifs du monde entier à adopter une distance critique vis-à-vis du gouvernement de Benyamin Netanyahou. « L’alignement systématique sur la politique du gouvernement israélien est dangereux, car il va à l’encontre des intérêts véritables de l’État d’Israël », écrivent-ils. Avant d’enfoncer le clou : « Loin de sous-estimer la menace de ses ennemis extérieurs, nous savons que ce danger se trouve aussi dans l’occupation et la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem-Est, qui sont une erreur politique et une faute morale. »
Dans la droite ligne de J Street, opposé au monopole du tout-puissant American Israel Public Affairs Committee (Aipac), les promoteurs du JCall soutiennent le principe de « deux peuples, deux États » et affirment que la survie d’Israël est « conditionnée par la création d’un État palestinien souverain et viable ».
Comme il fallait s’y attendre, l’appel a suscité des réactions pour le moins contrastées. « Le fait que des milliers de Juifs de par le monde, y compris des intellectuels de renom, disent vouloir mettre fin à quarante-trois ans d’une occupation pernicieuse est une bonne nouvelle », se réjouit Haaretz, le grand quotidien israélien de gauche. Mais pour le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), habitué à son monopole de représentation, le JCall « dessert la cause qu’il prétend défendre ». Au terme d’un texte confus, Richard Prasquier, son président, s’inquiète : « Nous pensons que, demain, ce texte signé par une majorité de Juifs sionistes servira de pièce à conviction dans des tribunes, des forums et des rassemblements qui ne le seront certainement pas [sionistes]. »
De l’autre côté de l’échiquier, les critiques sont tout aussi radicales. Une réponse cosignée par des personnalités comme le professeur Rudolf Bkouche (Union juive française pour la paix) fustige un texte qui « ne se préoccupe pas de rendre justice aux victimes du nettoyage ethnique de la Palestine ». C’est dire si le chemin s’annonce ardu pour que l’appel de la raison soit entendu.
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