Banque mobile : et si les banques tiraient enfin leur épingle du jeu ?
Succès pour les opérateurs, le mobile banking suscite la convoitise. Pour profiter de cette manne, les institutions veulent offrir plus qu’un soutien logistique et imaginent leurs propres solutions.
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Quand on leur parle du développement fulgurant du mobile banking, les banquiers africains esquissent un sourire en demi-teinte. Mais il faut les comprendre. Jusqu’à présent, ils n’ont ramassé que les miettes de ce merveilleux gâteau. Au Kenya, premier pays du continent à avoir expérimenté dès 2007 le paiement sur mobile avec le système M-Pesa, c’est l’opérateur Safaricom qui accumule les profits et se voit auréolé du prestige lié à la très belle réussite de l’opération : M-Pesa compte aujourd’hui plus de 14 millions d’utilisateurs. En Afrique francophone, ce sont Orange Money, MTN Mobile Money et Airtel Money qui mènent la danse, soit des services lancés par des opérateurs téléphoniques. « Ils ont été précurseurs et ont imposé leurs produits aux banquiers », reconnaît sans détour Daouda Coulibaly, directeur général de la Société ivoirienne de banque (SIB).
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Freins
Aujourd’hui, les banques sont présentes dans le mobile banking essentiellement en partenariat avec des opérateurs télécoms – qui ont tendance à multiplier les accords avec celles-ci. Société générale s’est associée à Telma à Madagascar et à MTN en Côte d’Ivoire. Orange Money s’appuie sur la Bicis, filiale de BNP Paribas, et, tout récemment, Ecobank et Airtel ont lancé un partenariat dans quatorze pays africains. Ces alliances sont surtout le fruit des exigences réglementaires. Si, au Kenya, Safaricom a pu développer M-Pesa sans être adossé à une banque, il en est allé autrement dans la plupart des autres États du continent, où les opérateurs ne peuvent se lancer en solo. « La BCEAO [Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR] a imposé dès le départ que l’émission de monnaie électronique soit gérée par les banques ou par des établissements spécialisés agréés », explique Alfa Barry, qui est à la tête du département marketing de Bank of Africa. Elles se portent garantes devant la banque centrale et s’assurent de la liquidité des fonds. Chaque euro virtuel créé voit son équivalent déposé par l’opérateur sur un compte bancaire associé. Ce rôle réglementaire, bien qu’il ait sans doute bridé le développement du m-banking, qui n’a atteint nulle part les niveaux du Kenya et du Somaliland, a tout de même permis aux banques d’entrer dans le circuit. Après avoir assisté au succès de M-Pesa, elles y ont vu une activité rémunératrice, et un bon moyen de se former à ce nouvel outil.
Jusqu’à présent cantonnées dans le rôle de partenaire, elles veulent leur part du gâteau.
Réseau étendu
Car les banques aimeraient tenir enfin le premier rôle. Selon les pays, les taux de bancarisation en Afrique oscillent entre 5 % et 10 % de la population. À l’inverse, avec plus de 545 millions de téléphones portables en 2013, 64 % de sa population a accès au réseau mobile. C’est la région qui connaît « la plus forte croissance de l’usage du téléphone mobile dans le monde », selon l’International Telecommunications Union. « Le calcul est très simple », sourit Laurence Lallemand, spécialiste du mobile banking chez Société générale. Daouda Coulibaly renchérit : « Nous avons passé une première phase d’observation. Maintenant, il faut nous lancer. Si l’on reste dans la logique actuelle, ces gens ne seront jamais nos clients. »
Universel
La première – et la seule pour l’instant – à être sortie du bois est Société générale, qui a lancé en 2010 au Sénégal sa propre solution, baptisée Yoban’tel. « Nous apportons le côté universel, explique Laurence Lallemand. Et notre expertise bancaire nous permet d’offrir d’autres services aux clients. » Depuis deux mois, ces derniers peuvent par exemple retirer de l’argent mobile (à l’aide d’un code secret qu’ils devront communiquer en plus de leur numéro de téléphone portable) aux distributeurs automatiques de billets de la banque. Il est également possible de recevoir de l’argent sur son compte depuis l’Europe ou encore de payer sa facture d’eau à la Sénégalaise des eaux. « Nous travaillons avec les grandes entreprises pour développer ces services. Dans le futur, on pourra verser un salaire sur un mobile, par exemple », poursuit Laurence Lallemand. Si les banques détiennent le sérieux atout de maîtriser ces produits, les opérateurs ont compris depuis longtemps l’intérêt de développer les services financiers mobiles. Orange Money a déjà son propre système de distributeurs automatiques et propose le paiement de factures, quand M-Pesa offre microépargne, microcrédit et microassurance à ses clients.
Les banques aimeraient faire passer le mobile banking du m-paiement au m-financement
Pour reprendre la main, les banques africaines aimeraient faire passer le mobile banking du m-paiement à la m-finance. Contrats d’assurance, produits d’épargne… Tous ces outils classiques disponibles dans les agences bancaires pourraient demain être proposés à un public beaucoup plus large grâce au mobile. Société générale vient d’ailleurs d’ouvrir dans le quartier de Pikine, à Dakar, la première agence Manko, un nouveau concept bancaire avec des produits simplifiés à destination des particuliers, des microentrepreneurs et des très petites entreprises, intégralement accessibles par téléphone portable. Les banques parviendront-elles à imposer leurs solutions ou devront-elles rester les partenaires financiers des opérateurs ? « Si nous étions certains qu’un modèle est meilleur que l’autre, nous ne pratiquerions pas les deux », explique Laurence Lallemand. « Lancer nos propres solutions génère beaucoup plus de coûts, mais c’est important stratégiquement. Le mobile est sans doute la banque de demain », conclut-elle.
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