Une chance de fer pour l’Afrique
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 26 avril 2010 Lecture : 3 minutes.
Le continent devrait tirer beaucoup de bénéfices de la bataille qui oppose les mastodontes de la mine et de la sidérurgie et qui fait, en ce moment même, exploser les prix du minerai de fer. Ne possède-t-elle pas de beaux gisements, de la Mauritanie jusqu’au Soudan et d’Afrique du Sud jusqu’en Guinée ?
Tout est parti de Chine. À la surprise générale, ce pays n’a pratiquement pas connu de récession, et son plan de relance de 450 milliards de dollars a fait redémarrer son industrie sur les chapeaux de roue dès le début de 2009. Pour construire immeubles, ponts, ports et automobiles, il lui a fallu couler toujours plus d’acier (elle produit près de la moitié de l’acier mondial) et importer toujours plus de minerai de fer. Jusqu’à présent, les trois entreprises minières qui extraient 70 % de la production mondiale, le brésilien Vale, les anglo-australiens Rio Tinto et BHP Billiton, négociaient des contrats annuels avant le 1er avril de chaque année avec les grands sidérurgistes comme Nippon Steel, Baosteel, Thyssen ou Mittal. Les contrats de l’année 2009-2010 fixaient le prix de la tonne à 60 dollars environ.
La bonne entente entre les deux parties s’est évanouie depuis l’été dernier. Fort de la demande chinoise pantagruélique et de prix dépassant les 150 dollars sur le marché au comptant, la « bande des trois » mineurs a frappé fort : aujourd’hui, ils demandent à leurs clients des hausses de tarif allant de 80 % à 130 % selon les qualités et la localisation des minerais ; ensuite, ils veulent que les contrats signés avec les sidérurgistes soient de trois mois au maximum.
Ces derniers poussent des hurlements devant ces prétentions. En Europe, leur association professionnelle Eurofer a saisi, le 31 mars, la Commission de Bruxelles de ce qu’elle qualifie « d’abus de position dominante ». Son délégué général, Gordon Moffat, juge les hausses du fer dangereuses « puisque, dit-il, nous constatons une reprise de notre production d’acier de 8,6 % seulement, après l’effondrement de 35 % l’an dernier, et nos prix sont toujours en recul de 40 % ». Les groupes miniers risquent de casser la reprise de la demande d’acier en imposant des hausses de prix insoutenables, conclut Eurofer.
Chez les Chinois, la riposte a été moins diplomatique. Un tribunal de Shanghai a condamné, le 29 mars, quatre salariés de Rio Tinto (dont un Australien) à des peines de prison allant de sept à quatorze ans pour espionnage économique et pour corruption. Ce dernier chef d’inculpation avait été reconnu en partie par les accusés.
Tous les observateurs ont noté la concomitance de ce jugement avec le blocage des négociations sur le prix du fer et avec le refus des Australiens d’autoriser le métallurgiste Chinalco à renforcer sa participation dans le capital de Rio Tinto. D’autre part, les sidérurgistes chinois viennent de décider de suspendre pendant deux mois tout achat aux trois groupes miniers, dont ils dénoncent le quasi-monopole.
On voit mal comment Vale, Rio Tinto et BHP pourraient perdre la main dans cette partie de poker planétaire. Les mines tournent à pleine capacité ; la reprise qui se généralise dans le monde va encore augmenter la demande d’acier : tous les ingrédients sont réunis pour que la hausse des prix du fer se poursuive et pour que de nouveaux gisements soient mis en exploitation.
La preuve ? Le 19 mars, oubliant leur bagarre internationale, Rio Tinto a proposé de céder à Chinalco 47 % de la mine guinéenne de Simandou. L’Afrique peut se frotter les mains de n’avoir pas besoin de prendre parti dans une bagarre qui va lui valoir de belles royalties (et quelques dégâts environnementaux).
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