Rabah Saadane : « Notre football est toujours en crise »
Après la Coupe d’Afrique des nations (CAN), l’entraîneur des Fennecs s’est lancé dans une opération de rénovation pour préparer au mieux la Coupe du monde 2010. Des joueurs ont été écartés, d’autres doivent venir en renfort. Interview.
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Le compte à rebours est commencé, et le programme de préparation de l’équipe nationale pour la Coupe du monde, qui se tiendra en Afrique du Sud du 11 juin au 11 juillet, est désormais ficelé. Khadra effectuera son stage du 13 au 27 mai à Crans-Montana, dans les Alpes suisses, où la fédération algérienne a réservé tout le Grand Hôtel du Golf & Palace, pour plus de sérénité. Le 28 mai, les Verts affronteront l’Irlande à Dublin pour une joute amicale. Après deux jours de récupération à Paris, ils reprendront la préparation à Nuremberg, en Allemagne. Ils y disputeront, le 5 juin, un dernier match amical, contre les Émirats arabes unis, avant de s’envoler le lendemain pour l’Afrique du Sud, où, ils donneront la réplique à la Slovénie (14 juin), à l’Angleterre (18 juin) et aux États-Unis (23 juin).
Jeune Afrique : La CAN en Angola, en janvier, vous a-t-elle permis d’en apprendre un peu plus sur votre sélection ?
Rabah Saadane : Bien sûr. J’ai fait jouer vingt joueurs en Angola. Après la CAN, j’ai d’abord décidé d’en écarter cinq – Samir Zaoui, Reda Babouche, Slimane Raho, Mohamed Ousserir et Yassine Bezzaz – dont le niveau n’est pas suffisant pour disputer une Coupe du monde. Quant à Khaled Lemmouchia, qui avait quitté le groupe alors que nous étions en Angola, il avait déjà eu des problèmes de discipline et, même si je ne lui ferme pas la porte, il ne sera pas avec nous en Afrique du Sud. La CAN a aussi été révélatrice sur d’autres points : nous avons des manques évidents à certains postes en ce qui concerne les doublures. C’est le cas en défense, surtout sur les côtés, mais également au milieu, où nous devons trouver un offensif et un défensif. C’est pour cela que nous suivons plusieurs joueurs, tous les week-ends, pour trouver ceux qui pourraient nous renforcer.
Parmi ces éventuels renforts, certains évoluent en France, tels Ryad Boudebouz (Sochaux) ou Habib Bellaïd (Boulogne-sur-Mer). Et ils ont déclaré leur flamme à l’Algérie, y compris pour la rejoindre après la Coupe du monde…
Ils font partie de ceux que nous observons. Notre objectif est de nous renforcer pour la Coupe du monde, mais aussi de préparer l’avenir et, notamment, la CAN 2012. La qualification pour la Coupe du monde est une excellente chose pour l’Algérie, mais il ne faut pas s’en contenter. Il faut voir plus loin. Nous devons travailler pour le futur, car notre football est toujours en crise. Il y a tellement à faire au niveau des infrastructures, des clubs, de la formation et des équipes de jeunes…
En Angola, votre équipe s’est classée quatrième. Elle a cependant montré un visage inégal, et certains de vos joueurs ont prouvé, lors de la demi-finale perdue face à l’Égypte (0-4), qu’ils avaient du mal à garder leur sang-froid…
C’est vrai. Même s’il y a de la pression et des problèmes d’arbitrage, il n’est pas normal de ne pas parvenir à maîtriser ses nerfs. C’est une leçon à méditer et à retenir. En Coupe du monde, de tels comportements seraient encore plus inacceptables. Je sais que la pression autour de la sélection est énorme, que le public manifeste parfois son amour et sa ferveur avec excès, mais il faut savoir gérer ses émotions et son stress.
L’Algérie n’a pas de star et mise beaucoup sur la générosité de son équipe. En ce qui vous concerne, on a l’impression que vous recherchez le meilleur système de jeu…
La générosité est une qualité, qui nous permet parfois de compenser un certain manque de fond de jeu. C’était surtout le cas lors des éliminatoires. Cela nous a permis de battre les Égyptiens [1-0, le 18 novembre 2009, NDLR], qui ont pourtant un plan de jeu plus rodé. Par ailleurs, la CAN a permis à l’équipe de s’améliorer dans la conservation et l’utilisation du ballon. On peut jouer en plusieurs systèmes (3-5-2 ou 4-4-2), mais on s’adapte aussi à l’adversaire.
Le 3 mars, à Alger, les Fennecs se sont lourdement inclinés dans le match amical face à la Serbie (0-3)…
[Il coupe] Ce n’est pas une question de niveau de jeu ! Et cette défaite n’est pas inquiétante. Nous avions beaucoup d’absents et, surtout, l’équipe était usée physiquement et moralement. Les éliminatoires de la Coupe du monde ont duré longtemps, il y a eu la CAN, les stages… ce match était celui de trop. Mais, surtout, l’environnement de cette rencontre était suffocant.
Vous faites allusion aux incidents qui ont éclaté avant et pendant la rencontre, et à la présence d’individus dans l’hôtel des joueurs, jusque dans leurs chambres ?
Oui. Au stade du 5-Juillet, à Alger, il y avait 100 000 personnes [l’enceinte peut en accueillir 70 000, NDLR], la sécurité était donc difficile à assurer. Et des gens sont effectivement venus dans l’hôtel où nous étions en regroupement pour manifester leur passion. C’est touchant, mais cela gêne notre travail et perturbe les joueurs. Il faut que les supporteurs le comprennent. Nous avons besoin de notre petit Clairefontaine [Centre technique national de la fédération française, près de Paris, NDLR]. Ce qui devrait être le cas assez rapidement, à Sidi Moussa, à 25 km au sud d’Alger. Là, l’équipe serait protégée. C’est aussi pour éviter une trop grosse pression que nous n’effectuerons pas en Algérie le stage qui était prévu avant de partir pour l’Afrique du Sud. Et c’est aussi à l’étranger que nous affronterons les Émirats arabes unis, le 5 juin.
Pendant et après la CAN, vous avez été attaqué par certains médias. Avez-vous eu peur pour votre place ?
Certaines personnes, et pas seulement des médias, ont cherché à nuire à l’équipe avant la CAN, lors du stage effectué dans le sud de la France. Pendant la CAN, nous ne valions plus rien après la défaite face au Malawi (0-3) et sommes devenus des références après la victoire contre la Côte d’Ivoire en quart de finale ! Pour le reste… Je sais très bien que si cela s’était mal passé en Angola, je ne serais peut-être déjà plus sélectionneur de l’Algérie. De toute manière, une CAN la même année qu’une Coupe du monde, c’est une catastrophe ! Regardez Vahid Halilhodzic : il a effectué un excellent travail pendant un an et demi, il qualifie la Côte d’Ivoire pour la CAN et le Mondial, et on le vire parce qu’il perd un match… Il méritait d’aller en Afrique du Sud.
En Afrique du Sud, vous allez vivre votre troisième Coupe du monde, après celles de 1982 et 1986. Est-il possible d’établir certains parallèles ?
C’est difficile. En 1982, tous les joueurs qui composaient la sélection évoluaient en Algérie, où le championnat était d’un bon niveau. Cela favorisait l’organisation de stages et de matchs amicaux. En 1986, il y a eu des problèmes au niveau de la fédération entre la fin des qualifications et la Coupe du monde, ce qui avait déstabilisé le groupe. Je me souviens de questions de primes… On ne peut pas réussir dans la débandade. Aujourd’hui, j’ai voulu régler tous les problèmes internes, aussi bien humains qu’organisationnels. Pour revenir à 1982, j’ai un gros regret : quand on gagne le premier match, on doit se qualifier. Nous avions battu la RFA (2-1) et, si nous avions passé le premier tour, on aurait pu aller assez loin… J’espère que cette année nous parviendrons à atteindre les huitièmes de finale. L’Angleterre est le favori de notre groupe, mais on peut se mêler à la lutte pour la deuxième place.
Serez-vous encore le sélectionneur de l’Algérie après le Mondial ?
Honnêtement, je ne veux pas penser à l’avenir. Il y a une Coupe du monde, et je ferai mon boulot du mieux possible. Je ne veux pas déstabiliser l’équipe en parlant du futur. Et puis, dans le football, tout est tellement aléatoire.
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