Le spleen des patrons
Paradoxalement, les mesures restrictives relatives au commerce extérieur et à l’investissement étranger sont vertement critiquées par les milieux d’affaires algériens.
Algérie : Bouteflika III, acte I
Le Forum des chefs d’entreprises (FCE), la plus crédible des organisations patronales, a lancé, le 13 avril, un cri d’alarme : les nouvelles mesures en matière de régulation du commerce extérieur et de l’investissement étranger menacent d’asphyxie l’économie nationale.
Pour le président du FCE, Réda Hamiani, ancien ministre des PME et industriel prospère, « le gonflement exponentiel des dépenses d’équipement public, qui sont passées d’un volume annuel de 453 milliards de dinars en 2002 à 2 814 milliards de dinars en 2009 [soit de 5,3 milliards à 26,4 milliards de dollars, NDLR] ne profite que marginalement à l’entreprise algérienne et n’a pas eu d’effet sur la croissance de l’économie nationale ».
Son prédécesseur à la tête du FCE, Omar Ramdane, propriétaire d’un groupe spécialisé dans les matériaux de construction, qui plus est sénateur du « tiers présidentiel » (autrement dit non élu, mais désigné par le président, Abdelaziz Bouteflika), est encore plus critique : « Je suis inquiet pour mes activités, pour l’économie, mais également pour le pays. » Dénonçant le blocage total, Omar Ramdane déplore « une avalanche de mesures privant [les entrepreneurs] de la maîtrise des éléments de gestion de [leurs] activités ».
Une attitude assez surprenante puisque les mesures critiquées ont été prises dans un cadre de préférence nationale et pour lutter contre l’explosion des importations – que le patronat est le premier à déplorer –, avec pour objectif de soutenir l’offre nationale, c’est-à-dire la production des entreprises algériennes, publiques et privées.
Du côté du gouvernement, on demeure perplexe. « Comment peut-on affirmer que les lourds investissements destinés à l’infrastructure routière, par exemple, ne profitent que marginalement à l’entreprise algérienne ? s’interroge un collaborateur du chef de l’État. Sur les 43 000 km de routes bitumées réalisées ces dix dernières années, plus de 95 % ont été confiés à des entreprises nationales. »
Un débat national ?
En fait, la sévérité du patronat s’explique surtout par les nouvelles dispositions en matière d’importations et par l’introduction du crédit documentaire, une procédure administrative qui impose la mobilisation du financement de l’opération de commerce extérieur, la présence physique du chef d’entreprise lors des démarches et l’interdiction de se faire représenter. « La multiplication des restrictions administratives alourdit la bureaucratie et empiète sur notre agenda, déplore un membre du FCE. Huit mois après l’entrée en vigueur de la LFC [loi de finances complémentaire, NDLR] 2009, près de 300 entreprises ont dû baisser le rideau. » En fait, bien plus si l’on prend en compte les 16 000 faux importateurs que les nouvelles mesures ont permis d’identifier. La lutte contre l’économie informelle est pourtant inscrite en tête de la liste des priorités du patronat…
Quelle alternative le patronat propose-t-il ? Pour l’heure, il en est à appeler à l’ouverture d’un débat national sur les choix économiques. « Ces mesures ont été prises unilatéralement, sans concertation aucune », déplore Omar Ramdane. Mais, si elles sont virulentes, les critiques du FCE sont surtout tardives. Depuis l’entrée en application de la LFC, au 1er août 2009, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a reçu, à deux reprises, le président du FCE. Réda Hamiani avait alors soutenu la démarche préconisée par le gouvernement.
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