Chinafrique : ces banques chinoises qui oeuvrent dans l’ombre

Les établissements chinois, de plus en plus actifs, appuient l’offensive économique de l’empire du Milieu sur le continent. Politique ou commercial, à chacun son rôle.

L’agence Fitch estime à 67,2 milliards de dollars les prêts accordés par China Exim Bank à l’Afrique entre 2001 et 2011. © Image China/Corbis

L’agence Fitch estime à 67,2 milliards de dollars les prêts accordés par China Exim Bank à l’Afrique entre 2001 et 2011. © Image China/Corbis

Publié le 26 mai 2013 Lecture : 4 minutes.

Cela fait plus de dix ans qu’il dirige la Banque centrale de Chine, et Zhou Xiaochuan a toujours cru au partenariat sino-africain : « Notre pays est prêt à jouer un rôle encore plus actif, notamment dans le secteur financier, expliquait récemment le gouverneur de cette institution à un hebdomadaire de Shanghai. La coopération entre la Chine et l’Afrique doit permettre de réduire la pauvreté de cette dernière et d’alléger le fardeau de la dette. » Passant sous silence la véritable OPA (offre publique d’achat) menée par son pays sur le continent…

Et dans cette offensive économique, les banques chinoises sont en tête. Lors de sa première tournée africaine, en mars, le président Xi Jinping était escorté par plusieurs banquiers. De passage en Tanzanie, il a annoncé le déblocage d’un prêt au continent de 20 milliards de dollars [15,2 milliards d’euros] sur trois ans. Le président a également signé un accord pour la construction d’une zone industrielle et d’un port d’une valeur totale de 10 milliards de dollars.

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Afflux de liquidités

Mais qui finance ? Ces dix dernières années, l’empire du Milieu a investi plus de 75 milliards de dollars en Afrique, soit presque autant que les États-Unis. Sur cette somme, seul 1,1 milliard est considéré comme une aide au développement. Le reste consiste en lignes de crédit censées permettre à ses entreprises d’investir sur le continent. « Nous continuerons à offrir l’aide nécessaire aux Africains sans contrepartie politique », a cependant tenu à préciser le nouveau président chinois, en réponse aux accusations de néocolonialisme et à l’inquiétude des Occidentaux face à cet afflux de liquidités.

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Et dans cette affaire, les rôles sont bien répartis : à China Exim Bank, les projets politiques. Placée sous la tutelle directe de Pékin, celle-ci est considérée comme le bras financier du gouvernement chinois – dans un rapport, l’agence de notation Fitch estime à 67,2 milliards de dollars les prêts que la banque chinoise d’import-export a accordés à l’Afrique entre 2001 et 2010, soit davantage que la Banque mondiale et ses 54,7 milliards de dollars. Elle est déjà à l’origine de 92 % des investissements financiers dans les infrastructures africaines entre 2001 et 2007.

En attendant les licences commerciales

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Les établissements bancaires du continent sont eux aussi bien présents en Chine. Ainsi, Ecobank, First Bank ou BMCE Bank ont toutes des bureaux de représentation à Pékin, première étape indispensable pour obtenir une licence commerciale afin d’exercer dans l’empire du Milieu. Pour l’heure, aucune n’en a décroché, mais leur présence en son coeur contribue à la vitalité des échanges sino-africains. S.L.B.

Autre « banque politique » : la China Development Bank. Elle a créé et financé le Fonds de développement Chine-Afrique qui, en cinq ans, a déjà lancé plus de soixante projets pour trente pays africains. Les activités de ce fonds, dont les investissements dépassent les 2 milliards de dollars, couvrent les domaines de l’agriculture, des infrastructures, de l’industrie manufacturière, des parcs économiques et commerciaux et de l’exploitation des ressources minérales.

Partenariats

De leur côté, les banques commerciales ne sont pas en reste. Elles financent les entreprises et les commerçants chinois, très présents sur le continent. « Au moment où les sociétés sortent du pays, elles pensent tout d’abord à Bank of China », explique ainsi Qiu Zhikun, directeur général de la succursale de la banque à Johannesburg. L’établissement opère depuis plusieurs années en Afrique du Sud et en Zambie et s’installe progressivement au Kenya, en Angola, à Maurice et au Nigeria. En outre, Bank of China prévoit de lancer progressivement – sur cinq ans environ – des comptoirs commerciaux au Ghana, au Kenya, en Ouganda, en Égypte, au Maroc et au Cameroun, afin de constituer un réseau d’institutions couvrant l’ensemble du continent. L’objectif est de fournir des services financiers aux entreprises chinoises. Industrial and Commercial Bank of China (ICBC), premier établissement mondial en termes de capitalisation boursière, est également très actif. En 2008, il a racheté 20 % des actions de Standard Bank en Afrique du Sud, pour 5,5 milliards de dollars. Depuis, il a accordé l’équivalent de 7 milliards de dollars de prêts au continent et a largement renforcé la compétitivité des entreprises à capitaux chinois dans les pays africains.

Mais les relations entre la Chine et l’Afrique se traduisent aussi par des partenariats bancaires. La filiale tanzanienne d’Ecobank a ainsi signé un accord avec Bank of China pour soutenir les investissements entre l’Asie et le continent. Elle devrait également offrir en Tanzanie un service de trading du yuan, la monnaie chinoise, au moment où les échanges commerciaux entre les deux pays atteignent 2,5 milliards de dollars. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la première étape africaine de Xi Jinping était Dodoma : selon un rapport de Standard Chartered Bank, le montant des règlements transfrontaliers Chine-Afrique en yuans s’est élevé à 5,7 milliards de dollars l’an dernier. La banque sud-africaine prévoit que, d’ici à 2015, 20 % des importations et des exportations de la Chine sur le continent seront payées en devises chinoises.

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