Ramgoolam : demandez le bilan !
Les Mauriciens sont appelés aux urnes pour les élections législatives, mercredi. Le Premier ministre sortant, Navin Ramgoolam, fait face à son rival de toujours, Paul Bérenger.
Et s’il perdait ? Au fil de la campagne qui doit mener au renouvellement du Parlement mauricien, le 5 mai, et à la formation d’un nouveau gouvernement, l’hypothèse d’une défaite de Navin Ramgoolam, le Premier ministre sortant, d’impossible est devenue… concevable. S’il reste le grand favori, « à Maurice plus que partout ailleurs, on ne peut jamais dire jamais », constate un diplomate européen en poste à Port Louis.
La précampagne l’a démontré : alors que tout le monde s’attendait à une alliance – elle-même inattendue quelques mois plus tôt – entre les deux ennemis de toujours, le Mouvement militant mauricien (MMM) de Paul Bérenger, dans l’opposition depuis cinq ans, et le Parti travailliste (PTr) de Ramgoolam, celui-ci s’est tourné au dernier moment vers le Mouvement socialiste militant (MSM) de Pravind Jugnauth. « Cette alliance en a surpris plus d’un, commente le politologue Jocelyn Chan Low. Les deux partis puisent en effet leur électorat dans la communauté hindoue, qui représente un peu plus de la moitié des Mauriciens. »
Dans un pays où le vote communautaire reste la norme – chaque candidat doit définir son appartenance ethnique ou religieuse, au grand dam d’un certain nombre de militants qui font feu de tout bois pour abolir ce système vieux comme l’indépendance –, l’Alliance de l’avenir part avec une longueur d’avance sur l’Alliance du cœur, menée par un Bérenger qui peine à remonter la pente.
Elle peut s’appuyer sur un bilan plutôt positif. Quand, en 2005, Ramgoolam prend la tête du gouvernement, beaucoup lui prédisent des jours sombres. « Nous faisions face à trois chocs, résume l’économiste Éric Ng Ping Cheun : le choc pétrolier ; le choc sucrier, avec une chute de 36 % du prix du sucre ; et le choc textile, avec la fin d’accords préférentiels, notamment avec l’Union européenne. S’y ajoutait un fort déficit budgétaire, supérieur à 5 %. »
En 2008 est venue se greffer la crise internationale. « Malgré tout, le bilan est bon, soutient l’économiste. Le gouvernement a mis de l’ordre dans les finances publiques tout en diversifiant les sources de revenus. » De nouveaux secteurs ont été développés, comme l’externalisation des services des groupes étrangers (10 000 emplois aujourd’hui, soit deux fois plus qu’en 2005). La récession a été évitée : la croissance, qui était passée de 5 % en 2008 à 3,1 % en 2009, devrait repartir à la hausse en 2010 (4 %). Et le chômage s’est stabilisé : après une hausse en 2009 (jusqu’à 8,2 %), il est redescendu autour de 7,5 %.
Sithanen évincé
Paradoxalement, celui qui incarne ce bilan n’est pas de la campagne. Après des semaines d’atermoiements, Rama Sithanen, le ministre des Finances, a appris qu’il ne ferait pas partie du futur gouvernement en cas de victoire ; il n’a même pas obtenu l’investiture de son parti, le PTr. « Tantôt social-démocrate, tantôt libéral, tantôt keynésien », selon l’économiste Pierre Dinan, Sithanen est un pragmatique. « Il a pris des mesures très libérales, ce qui a attiré beaucoup d’investisseurs étrangers [10 milliards d’investissements en 2010, NDLR], mais il a aussi beaucoup œuvré dans le social. La santé et l’éducation restent gratuites, des logements sociaux ont été construits, le riz et la farine ont été subventionnés… », souligne Ping Cheun. Même les opposants, qui parlent d’un homme à la solde du secteur privé et regrettent que les classes laborieuses et moyennes se soient appauvries, reconnaissent que, dans un contexte de crise, il ne s’en est pas trop mal sorti.
Ramgoolam l’a-t-il évincé de peur qu’il ne lui fasse de l’ombre ? « Peut-être a-t-il agi ainsi pour séduire les classes populaires », avance un journaliste local. Ce qui est certain, c’est qu’il s’est aliéné une grande partie de la communauté tamoule, dont est issu Sithanen. À Maurice, ce n’est pas anodin.
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