Le dilemme de Kribi

La petite ville connue pour abriter les résidences secondaires de quelques célébrités s’industrialise. Cette mutation pourrait bien laisser des traces indélébiles.

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Publié le 3 mai 2010 Lecture : 3 minutes.

Infrastructures et urbanisme
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Comment concilier tourisme balnéaire et industrialisation ? L’exercice auquel se livre Kribi, ville de 50 000 habitants située dans le sud du Cameroun, est délicat. Sa mutation en pôle industriel pourrait porter un coup fatal aux activités de loisir. Jusqu’à présent, les touristes y affluaient pour ses plages de sable fin, son climat doux et ses hôtels de bonne renommée. Les plaisanciers apprécient cette région pour aller naviguer sur les nombreux cours d’eau ou admirer les charmes des chutes de la Lobé, unique endroit au monde où un fleuve se jette dans la mer par des chutes spectaculaires situées à 7 km de la ville. Préservée de toute pollution, la nature offre la possibilité d’effectuer des excursions à pied ou en pirogue pour pêcher du barracuda ou visiter des campements pygmées de la forêt environnante. Les week-ends, ses hôtels font le plein d’une clientèle se recrutant dans la haute administration de Yaoundé, les cadres du secteur privé de Douala et les expatriés. L’ancien joueur de tennis Yannick Noah y possède une résidence de vacances et le footballeur Samuel Eto’o y a été fait citoyen d’honneur.

Mais sa position de débouché naturel du Cameroun et de pays continentaux de la sous-région lui vaut une avalanche de grands projets industriels, qui menacent de bouleverser son cadre idyllique et de polluer son environnement.

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Un port en eaux profondes

Ainsi, depuis le 3 octobre 2003, un pipeline long de 1 070 km transporte le pétrole pompé dans les puits de Bolobo, Miandoum et Komé, près de Doba, dans le sud du Tchad, jusqu’à un terminal flottant de stockage et de déchargement construit en haute mer, à 11 km des plages de Kribi. La première alerte à la pollution a été sonnée le 15 janvier 2007, consécutive au déversement accidentel de 225 barils de pétrole à 12 km au large de la côte. Selon la mairie de la ville, des traces de pollution sont parvenues à l’embouchure de la Lokoundjé, un fleuve de la région. D’autres désagréments nuisent à la tranquillité, à l’instar de la pollution sonore due au ballet des hélicoptères des compagnies pétrolières Esso Exploration, Petronas et Chevron-Texaco, qui exploitent les gisements. Mais les recettes du tourisme, dont l’impact n’est pas connu, peuvent difficilement soutenir la comparaison. L’oléoduc a craché 201 millions de barils de pétrole entre la date de sa mise en service et mars 2009. Et a procuré plus de 66 milliards de F CFA de droits de transit à l’État Camerounais. Le choix est vite fait.

Dans la même logique, la station balnéaire s’apprête à voir débuter les travaux titanesques de la construction d’un port en eaux profondes à 30 km au sud du centre-ville. Pour réaliser l’ouvrage, plusieurs entreprises sont « préqualifiées » : les français Sogea-Satom (Vinci) et Bolloré, le néerlandais Boskalis International, la multinationale Rio Tinto Alcan et plusieurs PME camerounaises ont démarré les études sur le terrain. Selon les concepteurs du projet, le chantier et l’exploitation de l’ouvrage procureront 20 000 emplois directs pour autant d’emplois indirects et une ville nouvelle de 100 000 habitants.

Des dessertes ferroviaires

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Les travaux ne manqueront pas de bouleverser l’environnement. Ainsi, une digue de protection de 2 800 m sera construite. Suivront ensuite des travaux de dragage et de remblai du chenal d’accès aux quais. Sur le port général, situé à Mboro, le plan prévoit la construction d’un terminal à conteneurs d’une capacité de 800 000 équivalent vingt pieds (EVP) par an à terme.

Des dessertes routières et ferroviaires sont également prévues pour l’évacuation des marchandises et du minerai en provenance de la mine de fer de Mbalam, mais aussi de l’usine d’aluminium d’Édéa. Pour soutenir l’augmentation attendue de la demande en énergie électrique, Philémon Yang, le Premier ministre camerounais, a lancé ce 19 mars les travaux de construction de la plus grande centrale thermique à gaz d’Afrique, à Mpogolowe, dans la périphérie de la ville. À ce rythme, seule une parfaite maîtrise de cette industrialisation permettra, peut-être, de ne pas rompre le charme tranquille de Kribi. Un objectif qui ressemble quand même à une gageure.

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