Le tocsin sonne à l’Élysée

Croissance en berne, dégradation continuelle de la situation de l’emploi, casse sociale… La réélection de Nicolas Sarkozy dans deux ans est tout sauf assurée.

Nicolas Sarkozy s’exprime lors d’une visite dans un centre du Pôle Emploi, le 15 avril 2010. © AFP

Nicolas Sarkozy s’exprime lors d’une visite dans un centre du Pôle Emploi, le 15 avril 2010. © AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 20 avril 2010 Lecture : 4 minutes.

Quelle idée ! Pourquoi, le 25 janvier sur TF1, Nicolas Sarkozy s’est-il cru obligé de déclarer que le chômage allait baisser « dans les semaines et les mois qui viennent » ? La fausseté de l’assertion présidentielle se confirme de semaine en semaine. Beaucoup sont d’ailleurs convaincus que la gifle électorale reçue par son parti, en mars, s’explique d’abord par l’extrême sensibilité des Français aux menaces pesant sur leur emploi.

Première preuve de leur mécontentement : les 70 % de mauvaises opinions concernant la politique économique du chef de l’État révélées par un sondage BVA-Les Échos-France Info du 31 mars. Le désamour est violent, même si 42 % (contre 34 %) des personnes interrogées estiment que, en matière de lutte contre le chômage, le Parti socialiste ne ferait ni mieux ni pire.

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Le moral des Français n’a pas résisté à l’avalanche des plans sociaux consécutifs aux restructurations et fermetures d’entreprises, puis à l’annonce de la reprise de l’inflation. L’indice de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), qui le mesure, est tombé à – 34 points le mois dernier. Dans tous les foyers, on redoute une érosion du pouvoir d’achat et, depuis deux mois, on consomme moins.

Chiffres alarmants

La situation n’est en effet guère brillante. La croissance se traîne à + 0,2 % au premier trimestre 2010 et à + 0,3 % au deuxième, après une chute de 2,2 % en 2009. Pour créer des emplois, il faudrait que l’économie française parvienne à une vitesse de croisière de + 1,5 %.

Les chiffres publiés en mars sont alarmants. Le nombre des demandeurs d’emploi atteint 2 667 900 (+ 3 300 en un mois), les reprises d’emploi ont baissé de 3,2 %, signe d’un marché du travail atone, et l’on recense 300 000 chômeurs de longue durée de plus qu’il y a un an. La durée moyenne du chômage est d’autre part passée de 340 jours en 2008 à un an et demi cette année. Enfin, le taux de chômage en métropole et dans les départements d’outre-mer s’élève à 10 %, contre 8,7 % il y a un an.

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Selon le classement établi par l’OCDE, le niveau du chômage français est comparable à celui du Portugal (10,1 %) et même de l’infortunée Grèce (10,2 %). L’Italie (8,5 %) fait moins mal et le Japon beaucoup mieux (4,9 %).

Peu de spécialistes se hasardent à pronostiquer une amélioration sur le front de l’emploi. Directeur adjoint du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE, Sciences-Po), Éric Heyer se montre ainsi sans illusions : « Nous prévoyons des destructions d’emplois tout au long de l’année 2010 et une reprise des créations en 2011, mais sans exclure une croissance sans emploi. » Adèle Renaux, de Natixis, n’est pas plus optimiste : « La demande privée ne prendra pas le relais de la dépense publique. Il faut donc s’attendre à un ralentissement progressif de la production industrielle. » Et Marc Touati, de Global Equities, l’est encore moins que lui : « Il va falloir s’habituer à vivoter avec une croissance molle et un emploi moribond jusqu’en 2012. » Quant à l’agence européenne Eurostat, elle estime que « le chômage augmentera durant toute l’année 2010 ».

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Face à cette adversité sur laquelle il n’a pas de prise, le pouvoir a choisi, de façon fort classique, de pratiquer la méthode Coué. Christine Lagarde, la ministre de l’Économie, voit ainsi la décrue du chômage pointer au coin de la rue. Quant à Laurent Wauquiez, le secrétaire d’État à l’Emploi, il déclarait dans le numéro du 14 avril de Libération : « Nous sommes sortis de l’œil du cyclone, même si le chômage pourrait continuer à augmenter légèrement, mais de façon beaucoup moins importante que l’année dernière […]. La machine s’est dégrippée. »

Méthode Coué

Ces messages rassurants ne trompent personne, et surtout pas la Commission européenne, qui juge « trop optimiste » la prévision de croissance de 2,5 % avancée par le Premier ministre, François Fillon, pour la période 2011-2013.

En attendant la reprise, ardemment souhaitée, Sarkozy tente de rassurer les électeurs qui ont boudé son camp. « Nous avons fait le choix de ne laisser personne sur le bord du chemin », dit-il. Et il est vrai que le gouvernement a multiplié les astuces pour limiter la casse sociale. Il a amélioré l’indemnisation du chômage partiel, multiplié par 10 les bénéficiaires du contrat de transition professionnelle et par 2,5 ceux de la convention personnalisée de reclassement.

Des coups de pouce ont été donnés aux contrats aidés, au dispositif « zéro charges », aux contrats de professionnalisation et d’apprentissage. Enfin, l’allocation équivalent retraite (AER) a été rétablie. Certains experts estiment que cette batterie de mesures a permis d’éviter à 100 000 personnes de perdre leur emploi. Et au taux de chômage de grimper à 12 %.

Le gouvernement s’est par ailleurs attelé au désamorçage d’une autre bombe à retardement : le million de chômeurs dont les droits aux allocations chômage prennent fin cette année. Cent cinquante mille personnes de plus qu’en 2009 sont menacées de n’avoir plus aucun revenu. Pour éviter que leur désespérance ne prenne des proportions dangereuses, le gouvernement serait prêt à rajouter 860 millions d’euros au pot du traitement social de ces « fins de droit ».

Nicolas Sarkozy se rappelle qu’en 2002 le Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, avait été devancé au premier tour de la présidentielle par Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen en raison de la poussée du chômage. Il lui reste peu de temps pour redresser la barre et éviter de connaître le même sort dans deux ans. C’est pourquoi il mise sur une reprise économique en 2011, qui aurait des effets perceptibles sur le marché du travail au moment de l’élection.

Cela suppose le maintien des mesures de soutien à l’économie, donc l’aggravation des déficits astronomiques qui menacent le crédit de la France. Mais cela est une autre histoire, ou plutôt une autre bombe à retardement, dont le président de la République ne veut, pour l’heure, pas entendre parler. L’Élysée d’abord. Pour le redressement des comptes, on verra plus tard.

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