Les dérapages incontrôlés de Julius Malema

Le dirigeant de la Ligue des jeunes de l’ANC a été le plus fervent défenseur de Zuma. Mais ses provocations ont fini par agacer son propre camp.

Au palais présidentiel, à Pretoria, le 9 mai 2009, lors de la prestation de serment de son mentor. © Bénédicte Kurzen/VII Mentor Program pour J.A

Au palais présidentiel, à Pretoria, le 9 mai 2009, lors de la prestation de serment de son mentor. © Bénédicte Kurzen/VII Mentor Program pour J.A

Publié le 27 avril 2010 Lecture : 3 minutes.

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Longtemps, « Juju » a amusé la galerie, enchaînant bourdes et dérapages incontrôlés. Ses détracteurs le jugeaient mal élevé et immature, ses camarades politiques voyaient en lui un militant certes un peu turbulent mais extrêmement dévoué. Aujourd’hui, Julius Malema, dirigeant de la Ligue des jeunes du Congrès national africain (Ancyl), ne fait plus rire. Pas même Jacob Zuma. Pour la première fois, le chef de l’État l’a personnellement mis en garde. Il venait de traiter un journaliste de la BBC de « bâtard » et de l’expulser d’une conférence de presse. L’incartade de trop.

Il faut dire que son dernier pied de nez à l’establishment a coûté cher à l’Afrique du Sud. Il s’est en effet mis en tête de reprendre un chant datant de la lutte contre l’apartheid, qui exhorte à « tuer les Boers », les fermiers afrikaners. Pour la justice, il s’agit d’un appel au meurtre, et le chant a été interdit. Qu’importe. En visite au Zimbabwe début avril, « Juju » reprend le couplet, pendant qu’en Afrique du Sud Eugène Terreblanche, leader d’extrême droite que personne ne pleure, est assassiné dans sa ferme, la tête réduite en bouillie à coups de barre de fer.

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La nation Arc-en-Ciel a soudain peur d’une radicalisation, de tensions, voire de violences entre communautés raciales. Malema, lui, continue de fredonner « dubulu ibhunu », « kill the Boers… ». L’ANC, tout en faisant la danse du ventre, demande le silence et fait appel de la décision de justice au motif que le refrain fait partie du patrimoine national.

À 28 ans, Julius Malema a déjà une longue histoire avec la politique. Cet enfant du Limpopo, province rurale du nord du pays, fils d’une femme de ménage, élève moyen, s’investit dès l’adolescence dans les activités de l’ANC. À 14 ans, il devient leader de la Ligue des jeunes de son village ; à 16 ans, il dirige le Congrès des étudiants sud-africains (Cosas). Ses études se terminent après le bac, option menuiserie, qu’il obtient de justesse à 21 ans.

Élu à la tête de l’Ancyl en avril 2008, il est accusé d’avoir fait circuler beaucoup d’argent avant le scrutin.

En juin 2008, il annonce qu’il est « prêt à tuer pour Zuma » et, quand son héros est soupçonné de viol, il soutient que la jeune fille a certainement « passé du bon temps ». Plus tard, il appelle à « éliminer les contre-révolutionnaires », entendez l’opposition.

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Injures et harangues

Malema parle à tort et à travers, agresse des personnalités, transgresse les règles de bonne conduite politique. L’ANC n’y voit d’abord que la manifestation de sa jeunesse. Une seule fois, le parti l’obligera à présenter des excuses, après une attaque contre la ministre de l’Éducation, Naledi Pandor, dont il raille « l’accent américain surfait ». Pas question de toucher aux camarades. Rien ne l’empêche en revanche de traiter le leader zoulou Mangosuthu Buthelezi de « pièce d’usine défectueuse ».

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« L’apprenti Führer », comme le surnomme le Congrès du peuple (Cope, la formation dirigée par des anciens de l’ANC en rupture avec Zuma), a une idole : Robert Mugabe ; un credo : la nationalisation (des terres, des mines…) ; et des ennemis : les « impérialistes » et leurs suppôts.

À chaque critique, comme Mugabe­, il sort la carte raciale – son joker. S’il est pris à partie dans la presse, c’est qu’elle est à la solde de la minorité blanche ; si des politiques noirs le contredisent, ils sont vendus.

Dernièrement, il a été attaqué sur son train de vie. Montres de valeur, luxueuses villas et soirées au champagne, le héraut des classes populaires ne se refuse rien. Sa sécurité seule coûte à l’État 300 000 rands par mois (30 000 euros). Il est à la tête de plusieurs sociétés dans le Limpopo qui ont obtenu de très bons contrats publics dans la région et qui sont aujourd’hui examinées à la loupe, notamment par les services des impôts. Et quand on lui reproche de se déplacer dans une énorme berline de luxe, il n’a qu’une défense, les jeunes Blancs eux aussi sortent le dimanche dans de belles voitures… 

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