La peine de mort, un châtiment du passé

La peine de mort n’a pas un effet plus dissuasif que les autres châtiments. © D.R

La peine de mort n’a pas un effet plus dissuasif que les autres châtiments. © D.R

Publié le 18 avril 2010 Lecture : 3 minutes.

Il ne fait désormais plus aucun doute que le mouvement contre la peine capitale prend de l’ampleur. En 2009, le Burundi et le Togo ont aboli ce châtiment pour tous les crimes, portant le nombre total des pays abolitionnistes à 95. Il n’y a pas si longtemps, en 1977, seuls 16 États avaient interdit les exécutions. En Afrique, seuls le Botswana, l’Égypte, la Libye et le Soudan ont procédé à des exécutions en 2009 et plusieurs pays révisent actuellement leurs Constitutions : le Bénin, le Ghana, la Zambie, le Zimbabwe et le Kenya (où 4 000 condamnés ont vu leurs sentences capitales commuées en peines d’emprisonnement en 2009). Ailleurs, les États qui continuent de procéder à des exécutions – principalement l’Arabie saoudite, la Chine, les États-Unis, l’Irak et l’Iran – sont l’exception plutôt que la règle. De plus en plus d’éléments démontrent que, pays après pays, la question n’est plus de savoir si la peine de mort sera abolie mais quand elle le sera.

Le chemin vers l’abolition est souvent long et progressif, avec différentes étapes à franchir : garantir la tenue de procès équitables, commuer les condamnations à mort en peines d’emprisonnement, interdire la condamnation à mort des mineurs délinquants et des personnes souffrant d’un handicap mental, réduire le nombre de crimes passibles de la peine capitale et instaurer des moratoires sur les exécutions. De nombreux pays d’Afrique font fi de la nécessité d’initier ces mesures, et en premier lieu le Soudan, où neuf hommes ont été exécutés en 2009 alors qu’ils avaient tous déclaré au tribunal que leurs « aveux » avaient été extorqués sous la torture, pratique implicitement cautionnée par le système judiciaire.

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Les procès iniques sont monnaie courante sur le continent africain, où des milliers de prisonniers croupissent dans les quartiers des condamnés à mort, souvent trop démunis pour s’offrir les services d’un avocat ou tout simplement privés d’une défense satisfaisante. Même des pays qui ont clairement fait connaître leur volonté de se joindre au mouvement en faveur de l’abolition continuent de condamner à mort un très grand nombre de citoyens. En 2007 et 2008, l’Algérie a parrainé la résolution des Nations unies appelant à un moratoire mondial sur les exécutions – un pas en avant pour la Ligue arabe. Toutefois, à l’instar de ses voisins nord-africains, elle n’a pas renoncé à prononcer des sentences capitales.

Nous prenons position contre la peine de mort parce que nous pensons que c’est un affront cruel et dégradant à la dignité humaine, ainsi qu’une violation du droit à la vie – négation absolue des droits humains. C’est une forme de meurtre ritualisé, perpétré de sang-froid. Tuer pour démontrer qu’on ne doit pas tuer relève de l’absurde. Cependant, dans le soutien qu’ils apportent à la peine de mort, la population et les dirigeants politiques ignorent généralement la question des droits, pour se focaliser sur l’idée que la peine capitale constitue une mesure efficace de lutte contre la criminalité.

Pourtant, aucune étude scientifique n’a réussi à démontrer de manière convaincante que la peine de mort avait un effet plus dissuasif que les autres châtiments. Les chiffres de la criminalité n’ont pas augmenté dans les pays où les exécutions ont été abolies. Lorsque je voyage, je rencontre des personnes issues de tous les milieux, attachées à différentes croyances religieuses ou athées. Elles partagent toutes un profond sentiment de dégoût à l’idée d’ôter la vie d’autrui, quel que soit le caractère odieux du crime pour lequel la sentence a été prononcée. L’État ne doit pas tuer. Au Burkina, j’ai pleinement ressenti toute la détermination abolitionniste des défenseurs des droits humains, mais aussi des ministres et du président lui-même. Nous avons d’ailleurs demandé que la peine de mort y soit abolie cette année.

Abolir la peine de mort dans les derniers retranchements sera sans doute notre plus grand défi. Cependant, les progrès rapides observés depuis les années 1970 témoignent de ce que le monde refuse, à l’instar de l’esclavage et de l’apartheid, cette atteinte à l’humanité.

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*Secrétaire général par intérim d’Amnesty International.

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