Quête d’identité pour Medi1Sat
Avec un actionnariat 100 % marocain, une nouvelle grille en préparation, des restrictions budgétaires et un mode de diffusion en renégociation, les ambitions maghrébines de la chaîne se réduisent comme peau de chagrin.
Les dirigeants de Medi1Sat jouent les abonnés absents. Abbas Azzouzi, nouveau PDG de la chaîne télévisée depuis janvier 2010, et Othman Nejjari, son directeur de l’information, refusent de répondre aux questions tant qu’ils n’ont pas fini d’élaborer une stratégie viable pour sortir Medi1Sat de la tempête.
La toute jeune chaîne d’information maghrébine, créée en 2006 à Tanger, se trouve en effet à un moment critique de son histoire, très mouvementée déjà. Les nouveaux patrons et leurs équipes, installés dans la zone franche de Tanger, doivent trouver de toute urgence une solution pour leur canal de diffusion au Maroc, renouveler leur grille des programmes et définir un modèle économique raisonnable. À peine nommé, le PDG est sous pression. Il doit en théorie présenter la nouvelle orientation de la chaîne lors du prochain conseil d’administration, qui se tient généralement en septembre. Or les actionnaires – Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et Maroc Télécom en tête – sont fatigués d’injecter de l’argent dans un puits sans fond. En 2006, le capital initial de Medi1Sat était de 16 millions d’euros. En 2008, il a fondu à 1,35 million d’euros pour apurer les dettes, avant que les actionnaires ne réinvestissent 16,5 millions d’euros la même année.
Sérieuse mais trop lisse
Il était grand temps de revoir l’orientation d’une chaîne qui peine depuis son démarrage à trouver une place dans le paysage audiovisuel. « Elle s’est limitée à reprendre le style d’Al-Jazira, sans en avoir les moyens », critique Mohamed Belghazi, professeur à l’Institut supérieur de l’information et de la communication (Isic), à Rabat. « Nous voulions faire une chaîne maghrébine, mais nous ne disposions pas d’équipes permanentes à Alger et à Tunis, et la direction était rétive aux reportages sur le terrain », ajoute un ancien journaliste de la chaîne.
« Qui regarde aujourd’hui Medi1Sat ? » s’interroge Mohamed Douyeb, éditeur du site web visamedias.info, consacré à l’actualité des médias marocains. « Leur information est sérieuse mais trop lisse, et parfois décalée par rapport à l’actualité marocaine. Le jour de l’effondrement de la mosquée de Meknès, ils ont ouvert leur journal sur l’Irak ! » s’offusque-t-il.
Medi1Sat peine à séduire les téléspectateurs et les annonceurs avec ce modèle éditorial bancal, ni complètement marocain ni vraiment maghrébin. L’audimat, même au Maroc, est faible : 0,6 % d’audience journalière en mars dernier, selon Marocmétrie, ce qui fait d’elle la 22e chaîne regardée. Quant aux autres pays du Maghreb, les résultats ne sont guère plus convaincants. « Un nouveau modèle éditorial est en gestation. L’info restera l’ADN de la chaîne, mais Azzouzi devra muscler ses programmes », prédit Mohamed Douyeb.
La nouvelle direction doit, certes, renouveler sa grille, mais aussi et surtout trouver un accord avec la Société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT) pour la diffusion au Maroc, où la chaîne va abandonner sa politique du « tout-satellite » pour le terrestre d’ici à un an, en optant pour le numérique ou l’hertzien, grâce à son nouveau statut public.
Depuis que la CDG a pris la majorité de l’actionnariat (51 %), en septembre 2008, Medi1Sat est en effet entré dans le giron de l’État et peut, à ce titre, revendiquer l’utilisation des canaux terrestres. Ce qui, a priori, doit lui permettre de gagner en audience et donc d’attirer davantage les annonceurs. Reste que les barons des deux pôles de l’audiovisuel public, la SNRT et la chaîne 2M, sont rétifs à l’idée de partager leurs infrastructures et le gâteau publicitaire avec ce nouveau venu. Mais Medi1Sat n’a pas les moyens de se payer ses propres infrastructures ; il lui faudra composer avec la SNRT. Et si cette dernière rechigne à lui fournir un canal hertzien, elle pourrait tout de même lui octroyer une fréquence de la TNT.
Ces chamboulements en cascade tendent à dénaturer le modèle initial, qui voulait faire de Medi1Sat une porte ouverte sur le Maghreb. L’heure est en effet plutôt à un recentrage à marche forcée sur le royaume.
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