Les dessous d’un programme solaire
Le plan marocain est désormais l’un des plus ambitieux au monde en matière de production d’électricité d’origine photovoltaïque. Quel en sera le coût ?
Maroc : la démarche verte
Voulu par le roi Mohammed VI et dévoilé, presque par surprise, le 2 novembre dernier, l’ambitieux programme solaire chérifien, qui coûtera 9 milliards de dollars, est confié à l’Agence marocaine de l’énergie solaire (Masen). L’objectif est de produire 2 000 mégawatts (MW) à l’horizon 2020 en construisant, sur une emprise totale de près de 10 000 hectares, cinq centrales solaires : à Ouarzazate (500 MW), Foum el-Oued (500 MW), Boujdour (100 MW) et Sebkha Tah (500 MW) dans le sud du pays, mais aussi à Aïn Beni Mathar (400 MW) dans la région de l’Oriental, qui abrite déjà une centrale thermosolaire.
Le programme permettra donc d’atteindre une capacité de production annuelle représentant 18 % de la production énergétique nationale actuelle, mais aussi d’économiser en combustibles 1 million de tonnes-équivalent pétrole (TEP), soit près de 500 millions de dollars, et d’éviter l’émission de 3,7 millions de tonnes de CO2 par an. La préqualification des candidats pour la première centrale, celle de Ouarzazate, qui doit être mise en service en 2015, aura lieu dès juin 2010, l’appel d’offres devant être lancé en septembre.
Une délicate transition
La question des financements reste en suspens. D’autant que la technologie, encore avant-gardiste, rend les coûts de production peu compétitifs, trois à cinq fois plus importants que l’électricité « classique ». « La production d’énergie d’origine solaire est encore très chère, reconnaît Mustapha Bakkoury, président du directoire de la Masen. Mais, dans l’avenir, sur le plan technologique, cette énergie sera mieux maîtrisée et donc plus accessible. Il s’agit de trouver les mécanismes pour que cette transition soit possible. »
Qu’il s’agisse de partenariats avec l’Europe, les bailleurs de fonds multilatéraux ou les banques commerciales, rien ne sera négligé sur le plan financier. Le schéma retenu, qui pourrait être de type concession-BOT, c’est-à-dire de délégation de service public (réalisation, gestion, exploitation) pour une période donnée, n’est pas encore défini. Et si, à long terme, le programme solaire doit permettre d’accompagner l’intégration régionale euroméditerranéenne du Maroc, « pour l’instant, le plan est conçu pour répondre aux seuls besoins énergétiques nationaux », précise Mustapha Bakkoury.
Reste que le royaume, déjà connecté avec l’Espagne et l’Algérie, met toutes les chances de son côté pour devenir un hub énergétique majeur entre les deux rives de la Méditerranée.
Les ambitions marocaines rejoignent ainsi celles du Plan solaire méditerranéen (PSM), concocté par la France comme l’un des projets phares – et des plus concrets, pour le moment – de l’Union pour la Méditerranée (UPM), chère au président français, Nicolas Sarkozy.
Rayonnement méditerranéen
En coulisses, Christian Stoffaës, conseiller de la cellule UPM de l’Élysée, s’active pour réunir électriciens, gestionnaires de réseaux, fabricants de matériels autour du projet de consortium Transgreen, une initiative visant à développer un vaste réseau électrique sous-marin en courant continu pour acheminer vers l’Europe l’électricité solaire produite en Afrique. Son objectif : présenter Transgreen lors de la réunion des ministres de l’Énergie des 43 pays de l’UPM, au Caire, le 25 mai prochain.
« Il ne faut pas attendre que l’intégration électrique synchrone soit réalisée sur l’ensemble des pays de la Méditerranée pour se lancer, souligne Christian Stoffaës. La boucle électrique méditerranéenne requiert que les réseaux soient au même niveau de développement. Cela fonctionne en Europe, au Maghreb, mais beaucoup moins ailleurs. » Pour lui, la France, l’Espagne et le Maroc pourraient ainsi commencer à travailler ensemble afin d’établir un schéma directeur pour le transport de l’électricité d’origine solaire, impliquant les aspects techniques, économiques et juridiques. « Le Maroc a établi un plan extrêmement ambitieux, convient le conseiller de l’Élysée. Et il constitue un cadre idéal pour faire un projet pionnier. » Si le schéma convainc les partenaires de la région euroméditerranéenne, la question des investissements et des autorités concédantes pourrait alors être discutée.
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