Cameron, futur jeune Premier ?
Favori des sondages, le leader du parti conservateur a de sérieuses chances de succéder à Gordon Brown, le 6 mai. Aussi fringant que son adversaire travailliste est austère, il ressemble à un Tony Blair… de droite !
À 43 ans, David Cameron pourrait bientôt entrer au 10, Downing Street, la résidence des Premiers ministres britanniques, à la faveur des élections législatives du 6 mai. Encore faut-il que son envolée dans les sondages se confirme. Les derniers, publiés début avril, donnent aux tories dix points d’avance sur le Labour, contre deux ou trois dix jours plus tôt. Dans la foulée, une quarantaine de grands patrons, dont Richard Branson, le PDG de Virgin, ont apporté leur soutien au projet des conservateurs de supprimer la hausse de 1 % des cotisations sociales que le gouvernement Brown avait annoncée pour réduire le déficit budgétaire.
Et pourtant, l’orientation politique de leur presque futur Premier ministre laisse les Britanniques perplexes. En attendant d’en savoir plus, le Bottin mondain précise qu’il est de « sang bleu » – et même royal, puisqu’il descend d’un bâtard de Guillaume IV, qui régna de 1830 à 1837 – et, plus trivialement, qu’il est le fils d’un agent de change fortuné. Ce qui lui a valu de suivre le cursus classique d’un membre de la gentry.
Élève à Eton, la couveuse des têtes couronnées, le jeune David manque s’en faire chasser pour avoir fumé un (ou plusieurs) joint(s). Il s’en tire avec 500 lignes à copier en latin. À Oxford, il mène grand train en compagnie des jeunes gens du Bullingdon Club, dont la morgue, les beuveries et les actes de saccage sont redoutés. À ceux qui lui reprochent ses excès passés, Cameron répond sans rougir : « Si vous allez à l’université sans faire la fête, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche. »
Troisième voie
Il finit par se ranger et décroche son diplôme de sciences politiques avec mention très bien. S’ensuit une carrière sans aspérités. Recruté à 22 ans par le parti conservateur, il se fait connaître en rédigeant des questions écrites pour les députés. Il dirige ensuite la communication du groupe de médias Carlton. En 1994, il entre dans l’arène et tente en vain de devenir député de Stratford. Sept ans plus tard, il remporte enfin le siège de Witney.
C’est donc un jeune vieux routier de la politique qui crée le groupe de réflexion Policy Exchange, où il retrouve George Osborne, son probable futur chancelier de l’Échiquier. Dans ce cénacle s’élabore la doctrine des « new Tories », qui entendent rénover le parti conservateur à l’instar de Tony Blair avec le « new Labour » vingt ans plus tôt.
Au vu d’un tel parcours, les Britanniques pouvaient s’attendre à ce que « Dave » endosse le libéralisme de fer de Margaret Thatcher. Il n’en est rien. Entre une droite tentée par l’extrémisme et une gauche fossilisée, Cameron veut suivre une troisième voie, déjà empruntée, selon lui, par Bill Clinton et Tony Blair. Mêlant des orientations de prime abord inconciliables, il promet, par exemple, de « tailler dans les déficits, mais pas dans le National Health Service [la Sécurité sociale] ». Cette agilité idéologique lui permet de se dire aussi attaché à la tradition que favorable au mariage gay, d’afficher une sensibilité écologique tout en refusant les contraintes environnementales, de prôner les vertus de « la responsabilisation » sans qu’il soit question de laisser les pauvres sur le bord du chemin. Adepte d’un « conservatisme compatissant », Cameron veut allier la rigueur de la droite à la générosité de la gauche. Selon Osborne, « aux États-Unis, il pourrait être classé parmi les démocrates modérés ».
Le très souple David a ainsi pu décaper le vieux parti tory et déboulonner les caciques thatchériens. En 2005, il supplante Michael Howard à la tête du parti conservateur grâce à son talent d’orateur, qui lui a valu le surnom de « Tory Blair », après qu’il eut confié vouloir ressembler à l’ancien Premier ministre travailliste !
Son ascension dans les sondages a commencé en 2007, pendant que la cote de Brown ne cessait de décliner. Dave est jeune, moderne, séduisant, quand le Premier ministre se montre ennuyeux, doctrinaire, rogue. La crise achève de donner à Cameron des armes pour abattre un gouvernement travailliste dont le libéralisme a longtemps séduit la City comme les Trade Unions. L’assurance dénuée d’arrogance du nouveau leader tory plaît. Il arrive à Westminster à vélo, exprime ses émotions et pleure à la fin d’un film, bien loin du flegme britannique ! Son mariage avec la très indépendante Samantha et la mort de leur fils aîné, en 2009, ont gommé sa pointe de snobisme.
« Du sang et des larmes »
Mais qui est au juste David Cameron ? « Plus un homme de communication que de convictions », confie un ancien condisciple. Un eurosceptique modéré, un atlantiste sans passion, un libéral sans excès, pas théoricien pour deux sous. Ce qui déconcerte les électeurs : en février, évoquant une situation budgétaire catastrophique, il leur avait promis « du sang et des larmes ». Brown, qui était aussitôt remonté dans les sondages, en avait profité pour fustiger ce « novice » qui risquait de tuer dans l’œuf la reprise économique en diminuant les salaires des fonctionnaires.
Dave a compris la leçon. Désormais, il se garde de trop préciser ses intentions et se contente de tirer à boulets rouges sur son adversaire. Dans sa dernière campagne publicitaire, on peut lire, sous la signature d’un Gordon Brown hilare : « J’ai piqué des milliards aux retraités… Votez pour moi ! » Agressif et efficace.
Si travaillistes et conservateurs s’accordent à dire que les 190 milliards d’euros de déficit budgétaire prévus pour 2010-2011 sont insupportables, aucun des deux camps ne révèle comment il s’y prendra pour y remédier. Leur affrontement ne tourne donc pas au débat d’idées mais à une bataille d’image, un exercice où le séduisant Cameron bénéficie d’un net avantage.
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