Un nouveau front se lève à l’Ouest

Le 4 avril, des rebelles ont pris d’assaut la capitale de la province de l’Équateur et contrôlé l’aéroport pendant quelques heures. Une journée qui a réveillé les angoisses.

Publié le 20 avril 2010 Lecture : 4 minutes.

Les Congolais s’étonnent encore. Comment une trentaine d’hommes armés ont-ils pu débarquer dans le port de Mbandaka au petit matin, sillonner les rues principales en faisant crépiter leurs armes, puis gagner l’aéroport, à 6 km de leur point de départ, et réussir à en prendre le contrôle ? Le raid des rebelles sur la capitale de la province de l’Équateur (nord-ouest de la RD Congo), le 4 avril, a été un jeu d’enfants. La situation a été jugée suffisamment préoccupante pour que le président Joseph Kabila se rende le 8 avril sur les lieux.

Hormis une petite résistance aux abords de la résidence du gouverneur, les assaillants, munis de lances et de machettes, et même pour certains de mitraillettes, ont mené l’attaque « avec une facilité déconcertante », juge une source sous couvert d’anonymat.

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Arrivés par bateau sur le fleuve Congo, ils ont accosté sans encombre dans le port, près du centre-ville. Là, ils ont pu retrouver des complices pour être, au total, une centaine. Leur course s’est achevée tout aussi aisément à l’aéroport, la dizaine de militaires gardant le site stratégique a abandonné les lieux, laissant armes et munitions sur place, selon un habitant de la ville.

Au final, les rebelles n’ont pris l’aéroport que quelques heures. La situation est « sous contrôle », déclarait, dès le lendemain, Maj Kisimba, ministre des Affaires foncières et porte-parole par intérim du gouvernement. Mais dans un pays où une série d’accords de paix et une transition sont censées avoir enterré le spectre de la désintégration du territoire, la prise d’une capitale provinciale, même éphémère, réveille des craintes.

Premier sujet d’inquiétude, l’origine des rebelles, qui appartiennent à la communauté des Enyeles. Depuis un an environ, ils sèment la panique dans l’ouest de l’Équateur au prétexte qu’une autre communauté, les Muzayas, a enfreint l’interdiction coutumière de pêcher dans leurs étangs. Ne formant guère plus qu’un petit groupe improvisé au départ, ils ont ensuite trouvé un chef spirituel en la personne d’un certain Udjani : âgé d’une vingtaine d’années, le jeune homme est considéré comme le descendant du chef enyele ayant accordé des terres aux Muzayas dans les années 1920, tout en leur interdisant de pêcher dans les étangs alentour. Établi au Congo-Brazzaville, de l’autre côté du fleuve, Udjani a été sollicité début 2009 pour venir défendre sa communauté en RD Congo. Plusieurs affrontements et des incendies de villages se sont produits depuis son retour, rapportent des témoins. De quoi accroître son aura parmi les rebelles enyeles. Des hommes les ont rejoints, et les combats se sont poursuivis. Cinq localités ont été prises provisoirement avant l’épisode du 4 avril. En octobre dernier, les Enyeles se sont battus contre les forces de sécurité, qui ont perdu quarante-sept hommes. À l’époque, les rebelles avaient publiquement déclaré que leur prochaine cible serait Mbandaka.

Menace sérieuse

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Si, aujourd’hui, Udjani est dit blessé, la menace a néanmoins été mise à exécution. Dans la capitale de l’Équateur, les assaillants se sont attaqués à des symboles du pouvoir : la résidence du gouverneur, le bâtiment administratif, l’aéroport. En l’absence de solution, le microconflit foncier a dégénéré en petite rébellion cherchant à défier les autorités locales et centrales. Une évolution qui en dit long sur la menace que représentent les mouvements apparemment isolés : « Ce qui s’est passé à Mbandaka est le résultat d’une frustration, dit un parlementaire. Il y en a d’autres dans le pays. Demain, celui qui capitalisera la somme des frustrations pourra s’improviser comme chef de guerre ou comme alternative. »

Second sujet d’inquiétude, la réaction des Forces armées de RD Congo (FARDC), qui ont dû recourir à l’aide de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc) pour reprendre le contrôle de l’aéroport. « Les FARDC ont systématiquement besoin d’un appui extérieur », estime la même source, rappelant que dans l’est du pays une opération militaire conjointe avec les forces armées rwandaises a été menée pour chasser des rebelles hutus, en janvier et février 2009.

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Force hétéroclite

Plusieurs témoins affirment que des capitaines de l’armée se trouvent parmi les rebelles. L’Équateur étant le fief de l’ex-chef de guerre Jean-Pierre Bemba, actuellement détenu à La Haye, d’autres supposent que certains de ses anciens combattants font aussi partie des assaillants du 4 avril. L’armement des assaillants et le mode opératoire de la prise de Mbandaka supposent une organisation. L’accoutrement d’autres insurgés, qui portaient des brassards en raphia, donne de son côté un aspect artisanal au mouvement. Au final, la rébellion enyele est une force hétéroclite encore mal identifiée.

Sa capacité de nuisance est néanmoins certaine. Le 4 avril, les FARDC et la Monuc ont perdu 9 hommes. Depuis octobre, les affrontements ont entraîné le déplacement d’au moins 100 000 personnes vers le Congo-Brazzaville. Les réfugiés sont nettement plus nombreux que les quelque 70 000 habitants de la province de la Likouala, où ils ont trouvé refuge.

Les événements de Mbandaka remettront-ils en cause la volonté du gouvernement de voir les 22 000 hommes de la Monuc plier bagages d’ici à la fin 2011 ? Ils montrent en tout cas que le chantier crucial de la réforme des forces de sécurité, dont la mise en place d’une armée républicaine est un volet, est loin d’être achevé.

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