Entre la justice et mon cousin…
En visitant l’exposition « Crime et châtiment », qui se tient actuellement au Musée d’Orsay, à Paris, j’ai appris que la dernière personne condamnée à mort et guillotinée en France fut… un Tunisien. Plus encore. Un « 08 », comme on dit en Tunisie, en référence à l’indicatif téléphonique de la région nord-ouest dont les Romains avaient fait jadis leur pays de cocagne et qui se mit, au XXe siècle, à exporter ses enfants, lorsque le blé ne fut plus engrangé et que l’émigration devint le parcours du pauvre.
Il se trouve que c’est aussi la région dont votre serviteur est issu (c’est quoi le féminin de serviteur ?). Non, je ne vais pas vous gratifier d’une plaidoirie post-mortem pour mon compatriote, ni céder au réflexe de la tribu en clamant, à la manière d’Albert Camus, « entre la guillotine et mon cousin djendoubien »… L’homme avait commis un crime atroce. Mais on lui doit l’arrêt définitif de la machine à tuer : au moment où sa tête roula sur le bitume, ce 10 septembre 1977 très exactement, le débat qui secouait la France depuis le XVIIIe siècle fut tranché, et la guillotine vouée à l’oubli. Pour une fois qu’un Arabe rend service aux Français, fût-ce au péril de sa vie, si je puis me permettre, et subit le même sort que le roi de France, il fallait le rappeler.
Voici l’histoire de Hamida, « un patronyme de fille », affirmaient les journaux de l’époque, car il ne se trouvait pas alors d’arabisants férus pour leur répondre que le « a » était en trop et que « Hmida » était le vrai prénom du garçon. Né en 1949, Djedoubi était venu, à l’âge de 20 ans, travailler à Marseille comme manutentionnaire. À la suite d’un accident du travail, il fut amputé d’une jambe. Il sombra dans l’alcool, devint violent et prostitua sa maîtresse, Élisabeth Bousquet, qui le livra à la police et dont il jura de se venger. Deux mois plus tard, dans une cabane abandonnée, des enfants découvraient le corps sans vie et atrocement torturé de la jeune femme. Hamida fut jugé et exécuté dans la cour de la prison des Baumettes, à Marseille.
Maintenant, n’allez pas trop ébruiter cette histoire. L’extrême droite et les tenants de « l’identité nationale » y trouveraient un argument supplémentaire pour leurs thèses anti-immigrés. Tiens ! À ce propos, j’ai oublié un détail : on raconte qu’au moment d’être guillotiné, à 4 h 40 précises, Hamida avait mis sa prothèse pour descendre jusqu’à la guillotine. Il n’avait pas eu le moindre geste de protestation ni une parole déplacée. Il avait seulement demandé à fumer. Une première cigarette. Puis une deuxième. Et un témoin de relater : « Il aurait aimé tirer encore quelques bouffées, mais un haut fonctionnaire a dit : “Ah, non, cela suffit ! Nous avons été assez conciliants !” » On aurait dit Éric Zemmour qui parle…
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