Tokyo veut sa part en Afrique
Dépassé par l’assaut chinois de ces dernières années, le Japon tente de combler son retard et prévoit d’injecter 3,4 milliards de dollars d’ici à 2012 sur le continent.
Le Japon affûte ses armes pour séduire l’Afrique : le ministère des Finances vient d’accorder un prêt de 300 millions de dollars au Kenya pour la construction, d’ici à 2030, de deux unités géothermiques de production d’électricité. Elles généreront chacune 140 MW sur les 500 que veut produire le pays avec cette ressource souterraine. Cette annonce fait écho à la visite en mars du prince Naruhito, héritier du trône impérial japonais, commencée au Ghana et achevée au Kenya : le premier voyage du prince en Afrique subsaharienne semble en effet marquer le début d’une politique plus volontariste, comme une réponse aux attaques subies par le Parti démocrate (au pouvoir depuis l’an dernier à la suite d’une alternance historique) : l’absence de politique étrangère claire du nouveau gouvernement minerait les progrès du Japon en Afrique.
Soutenues par le gouvernement, les entreprises japonaises se glissent en Afrique plus qu’elles ne s’y ruent alors qu’elles poursuivent, pourtant, les mêmes buts que la Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres : s’approprier le pétrole, les gisements miniers et de nouveaux marchés. Promesse faite par le ministre des Affaires étrangères, Katsuya Okada, et que le nouveau pouvoir entend tenir. Ce réveil un peu tardif illustre une autre volonté, celle de rattraper la Chine : en 2008, l’Afrique a représenté 4 % des investissements à l’étranger de l’empire du Milieu, contre 1 % pour le pays du Soleil-Levant.
Soutien des banques publiques
La volonté de Tokyo de renforcer sa présence en Afrique ne date pas d’hier. Partant du constat qu’en 2007 il n’y avait investi que 1 milliard de dollars, soit cinq fois moins que Pékin, le Japon s’est fixé deux objectifs en 2008 : intensifier son aide à l’Afrique et permettre aux entreprises japonaises de doubler leurs investissements sur place pour qu’ils atteignent 3,4 milliards de dollars d’ici à 2012. La part fixée à 1,8 milliard de dollars pour l’aide à l’agriculture et aux infrastructures, secteur qui a longtemps défini la présence japonaise en Afrique, est déjà à portée de main. Mais le soutien est moins visible dans le secteur privé. L’archipel doit s’adapter, et réorienter sa stratégie pour être plus compétitif face au géant chinois, dont les prix défient souvent toute concurrence.
Si Dennis Awori, ancien ambassadeur du Kenya au Japon et président de Toyota-Afrique de l’Est, se rappelle que le gouvernement a longtemps hésité à inciter les entreprises privées à investir en Afrique, il voit désormais son pays les encourager grâce à des prêts des banques publiques. Depuis, à l’instar de Toyota Tsusho, les industriels nippons sortent de leur coquille. La branche commerciale du constructeur automobile s’est par exemple montrée intéressée par le projet de gazoduc entre le Sud-Soudan et la côte kényane. Coût estimé : 1,5 milliard de dollars. Et de reconnaître, en effet, que les garanties financières de la Banque japonaise pour la coopération internationale contribueraient beaucoup au succès du projet.
Panasonic, Sony…
Aujourd’hui, le secteur privé japonais est essentiellement présent en Afrique à travers l’extraction et la construction d’infrastructures énergétiques, à l’image de la firme Sojitz, présente en Angola, au Nigeria et au Gabon, ou de Japan LNG Corp, qui a annoncé en mars qu’il pourrait faire construire une usine de liquéfaction de gaz naturel au Nigeria.
Les industriels nippons sont confrontés à la difficulté de produire du neuf accessible aux Africains à faible revenu, cible privilégiée des produits chinois. En témoignent, côté automobile, les routes africaines envahies de vieilles Toyota, Nissan et Honda. D’autres tentent de réagir, comme Panasonic et Sony : le premier a promis d’investir 28 millions de dollars pour accroître ses ventes au Nigeria, et le second, qui possède quatorze boutiques dans six pays africains, affirme vouloir augmenter ses ventes hors Afrique du Sud de 50 %.
Mais le Japon aura du mal à rivaliser avec la Chine. Pékin soutient fortement ses entreprises qui investissent en Afrique, et la coordination entre celles-ci et l’État est très étroite. Résultat : le commerce que le Japon réalisait avec l’Afrique en 2008 représentait encore moins du tiers du total des échanges entre le continent et la Chine – 107 milliards de dollars.
Yoshitaka Akimoto, responsable de l’Afrique au ministère des Affaires étrangères, reconnaît que les entreprises chinoises sont plus actives : en 2009, l’Afrique a réalisé 11 % de son commerce extérieur avec la Chine, contre 2,5 % avec le Japon. Surtout, les entrepreneurs japonais associent toujours l’Afrique à l’instabilité politique, à l’insuffisance des infrastructures et au manque de main-d’œuvre qualifiée. Et Akimoto reconnaît qu’il sera « très difficile » d’atteindre les objectifs fixés en matière d’investissement.
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