Série noire pour Zapatero
Plombé par la crise économique, le président du gouvernement socialiste n’a plus la baraka : tout ce qu’il entreprend tourne au fiasco. Du coup, il n’est même pas assuré de pouvoir achever son mandat.
On a connu José Luis Rodríguez Zapatero plus fringant. Pour faire taire les accusations d’immobilisme et d’indécision venues de la droite comme de son propre camp, le président du gouvernement socialiste espagnol entendait signer avant la fin du mois de mars un plan anticrise comportant cinquante-quatre mesures de relance pour le secteur privé et d’économies pour le secteur public. Raté : les tractations avec les petits partis de sa coalition ne permettent plus d’espérer ce texte avant le 9 avril. Dans le meilleur des cas.
Celui que l’on surnommait Bambi au temps où son apparence candide semblait faire des miracles paraît s’épuiser sous les coups de boutoir de la crise. Car le miracle espagnol s’est bel et bien évanoui dans la tourmente économique. Fini les excédents budgétaires, place aux déficits et à la défiance des marchés ! Le chef du gouvernement soutient sans relâche que « l’Espagne n’est pas la Grèce » et que son endettement ne dépasse pas 60 % de son produit intérieur brut. Il proteste que le débat sur la solvabilité de son pays est « injustifié », car alimenté par les seuls spéculateurs. En vain : au forum de Davos, fin janvier, on l’a fait asseoir à la même table que deux grands malades de l’Europe : la Lettonie et la Grèce.
Toujours en panne
Il faut dire que la situation n’est pas brillante. L’explosion de la « bulle » immobilière, qui incitait l’Espagne à construire davantage de logements que l’Allemagne et la France réunies, l’a précipitée dans la récession. Le taux de chômage avoisine aujourd’hui 20 % de la population active (plus de quatre millions d’Espagnols sont sans travail), tandis que le déficit public atteint 11,4 % du PIB. L’économie espagnole a connu en 2009 sa plus forte baisse depuis un demi-siècle : – 3,9 %. Elle est la dernière de la zone euro à demeurer en panne.
Zapatero répète que son gouvernement est « fermement déterminé à réduire le déficit public » et à mettre en œuvre un régime d’austérité drastique. Cinquante milliards d’euros d’économies, sur trois ans, ont ainsi été annoncés en janvier, afin de ramener le déficit à 3 % du PIB. Le taux de la TVA va ainsi passer de 16 % à 18 %. Dans les entreprises publiques, les dépenses de personnel et d’investissement vont être réduites de, respectivement, 4 % et 13 %. Enfin, l’âge de la retraite va être porté de 65 ans à 67 ans.
Mais la communication du gouvernement est cafouilleuse. Un jour, Elena Salgado Méndez, la ministre de l’Économie, déclare que la réforme de l’âge de la retraite n’est pas négociable. Or, dès le lendemain, l’ouverture de négociations redevient possible. Un autre jour, les autorités jurent qu’il n’est pas question d’augmenter la pression fiscale. Trois semaines plus tard, c’est chose faite.
Dans les rangs de sa majorité, la révolte gronde. On accuse Zapatero de gérer à la petite semaine ; de vouloir gouverner seul depuis le départ, au printemps 2008, de Pedro Solbes, son emblématique ministre de l’Économie ; de ne plus écouter les conseils ; de se montrer rigoureux à Bruxelles et beaucoup plus zigzagant à Madrid.
Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, en 2004, le Premier ministre doit faire face à une mobilisation de l’ensemble des syndicats, qui, en février, ont organisé des rassemblements contre le report de l’âge de la retraite. Une majorité de la population souhaite la tenue d’élections anticipées, qui, selon tous les sondages, devraient se traduire par une nette victoire du Parti populaire sur le Parti socialiste.
Zapatero espérait que la présidence de l’Union européenne, que son pays assure du 1er janvier au 1er juillet, lui vaudrait un répit. C’était, disait-il à ses compatriotes, « l’affaire de tout le pays ». En réalité, ladite présidence a tourné au chemin de croix.
Il s’est d’abord heurté au refus poli de Barack Obama de participer à un sommet Union européenne-États-Unis en mai, à Madrid. Ensuite, il a fait les frais de la réforme des institutions européennes mise en place par le traité de Lisbonne. Comme Nicolas Sarkozy avant lui, le président du gouvernement pensait pouvoir imprimer sa marque, six mois durant. Il n’en a rien été. Dès le mois de janvier, il s’est retrouvé flanqué d’un nouveau président de l’Union, le Belge Herman Van Rompuy, et d’une haute représentante pour les Affaires étrangères, la Britannique Catherine Ashton, sans parler du président de la Commission, le Portugais José Manuel Barroso. Dans le brouhaha qui a résulté de cette profusion de compétences, la voix espagnole n’a guère été entendue.
Zapatero aurait voulu relancer les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE. Réponse négative de la France, de l’Allemagne et de l’Autriche. Il a cru pouvoir profiter de la crise grecque pour faire avancer le gouvernement économique qui fait cruellement défaut à l’Union. Dans les domaines de l’énergie, de l’éducation, de l’économie numérique et de la formation professionnelle, il a notamment tenté de fixer des objectifs, assortis, en cas de non-respect, de sanctions. Son initiative a déclenché un tir de barrage de la plupart des pays européens, qui y ont vu une menace pour leur souveraineté. Même Sarkozy, dont il aurait pu espérer le soutien à cette esquisse de gouvernement européen, s’est joint aux opposants.
Six mois de sursis
Échaudé, le pauvre Zapatero s’est apparemment rabattu sur des objectifs moins ambitieux. Désormais, il se borne à proposer l’intégration de l’égalité hommes-femmes dans la future stratégie économique de l’UE, afin de « réduire au minimum » les différences de salaires entre les sexes et d’« augmenter le taux d’emploi des femmes ».
Il lui faudra montrer davantage de pugnacité s’il veut réussir un rétablissement comparable à celui qu’opère en ce moment Gordon Brown, le Premier ministre britannique. Il a six mois, à peine, pour y parvenir. À l’automne, en effet, les résultats des élections régionales en Catalogne diront s’il peut aller au bout de son mandat, en 2012. Ou si des législatives anticipées s’imposent pour tirer l’Espagne du bourbier.
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