Obama-Netanyahou : une affaire personnelle

Revigoré par le vote de sa réforme de la santé, le président des États-Unis peut enfin s’attaquer au règlement du conflit israélo-arabe. Et contrecarrer les provocations du Premier ministre israélien.

Netanyahou et Obama, le 18 mai 2009, à la Maison Blanche. © By Jim Watson/AFP/Getty Images

Netanyahou et Obama, le 18 mai 2009, à la Maison Blanche. © By Jim Watson/AFP/Getty Images

Publié le 12 avril 2010 Lecture : 4 minutes.

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et le président des États-Unis, Barack Obama, sont désormais à couteaux tirés. Chacun des deux veut détruire l’autre. Non seulement ils se détestent, mais leurs orientations politiques respectives sont totalement opposées : le différend est à la fois personnel et politique.

L’issue de la bataille qu’ils se livrent aura des répercussions profondes sur leurs deux pays et sur l’ensemble du Moyen-Orient. Et, pendant qu’ils s’affrontent, les tensions dans cette dernière région s’accroissent dangereusement et les bruits de bottes se font de plus en plus entendre.

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Parmi les incidents récents, la mort de quatre adolescents palestiniens sans arme abattus par des soldats israéliens à Naplouse et les affrontements répétés à Jérusalem-Est, point désormais névralgique du conflit et préoccupation majeure des dirigeants arabes réunis en sommet les 27 et 28 mars en Libye. Des violences ont aussi éclaté à la frontière entre Israël et la bande de Gaza, causant la mort de deux soldats israéliens et d’au moins trois Palestiniens. Autant d’événements tragiques qui pourraient rapidement conduire à une conflagration d’une tout autre ampleur.

Attaques frontales

L’an dernier, Netanyahou a remporté une manche dans le match qui l’oppose au président des États-Unis en refusant le gel total de la colonisation auquel avait appelé Barack Obama, qui espérait ainsi relancer les négociations israélo-palestiniennes. Le Premier ministre israélien a proposé à la place un simple gel de dix mois, ce qui permettait de poursuivre la construction de 3 000 logements en Cisjordanie occupée et de faire ériger de nombreux bâtiments publics encerclant Jérusalem-Est, majoritairement arabe. La plupart des observateurs ont désavoué Israël, qualifiant sa proposition de farce cynique. Mais Obama a reculé.

Le monde entier en fut atterré. Fortement écornée pendant les mandats de George W. Bush, l’image des États-Unis, que l’élection d’Obama avait nettement améliorée, s’est à nouveau détériorée quand le président américain a donné l’impression d’être incapable de tenir tête aux extrémistes israéliens. Les Palestiniens, mais aussi le monde arabe et musulman, ont été choqués – et déçus.

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Mais Netanyahou a trop présumé de ses forces. Il misait sur l’échec de la réforme du système de santé chère à Obama, pensant condamner le président américain à jouer les potiches pendant le reste de son mandat et, partant, à se trouver dans l’incapacité d’imposer quoi que ce soit à Israël.

Se sentant proche de la victoire, Netanyahou a mobilisé ses nombreux soutiens aux États-Unis – lobbies pro-Israéliens, think-tanks, journaux populaires, et même le Congrès – pour attaquer frontalement les ambitions politiques majeures d’Obama : la réforme de la santé, mais aussi carrément la solution de deux États pour résoudre le conflit israélo-palestinien, la main tendue à l’Iran et la réconciliation avec le monde arabe et musulman.

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S’opposant ouvertement à ces objectifs, Netanyahou a tenté de rallier le monde à une croisade contre l’Iran, puis a accéléré sans vergogne les expulsions de Palestiniens de Jérusalem-Est et la construction de logements pour y installer à leur place des familles juives. « Construire à Jérusalem, c’est comme construire à Tel-Aviv », a-t-il déclaré.

Mais il a été rattrapé par des événements qui ont changé la donne. Le président américain a réussi à faire voter sa réforme de la santé et à finaliser un traité de non-prolifération des armes avec le président russe, Dmitri Medvedev. Ces deux victoires en poche, il est dorénavant mieux paré pour affronter Netanyahou.

À Washington, on dit qu’Obama aimerait amener le Premier ministre israélien à démissionner, ou, à tout le moins, l’obliger à recomposer sa coalition en se séparant de l’extrême droite, qui pourrait être remplacée par le parti Kadima de Tzipi Livni, un peu plus modéré.

L’heure de vérité approche. Aux États-Unis et plus encore en Europe, l’impatience est montée d’un cran face à la brutalité d’Israël, son mépris de la vie humaine, le siège qu’il impose à la bande de Gaza, ses assassinats d’opposants politiques et son expansion territoriale incessante en Palestine, particulièrement à Jérusalem-Est, sapant ainsi toute chance de règlement pacifique du conflit.

Trois ans pour réussir

Aux yeux d’un nombre croissant d’observateurs et d’hommes politiques occidentaux, les nationalistes et les fanatiques ultraorthodoxes israéliens apparaissent peu à peu comme aussi dangereux pour leurs intérêts au Moyen-Orient que les islamistes radicaux du monde arabe. Mais si tous les pays arabes, de l’Arabie saoudite à l’Algérie, font la guerre aux islamistes radicaux, personne, ni en Israël ni à l’Ouest, ne s’est encore opposé aux extrémistes israéliens, pourtant tout aussi violents. Car, en réalité, ils font partie intégrante du gouvernement de Benyamin Netanyahou.

Le prétendu « lien indéfectible » entre Israël et les États-Unis, à nouveau glorifié au congrès de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), qui s’est tenu à Washington en mars, a eu pour conséquence d’affaiblir l’influence américaine dans le monde arabe. Les dirigeants arabes, qui autrefois ont beaucoup compté sur les États-Unis, s’activent à présent pour diversifier leurs alliances. Car il ne fait pas bon passer aux yeux de leurs peuples pour de proches alliés de Washington.

Le monde attend maintenant de voir si le président des États-Unis, revigoré, est prêt à se battre. La paix au Moyen-Orient, vitale pour les pays industrialisés, devra, d’une façon ou d’une autre, être imposée. Et ce sera, dans les trois ans à venir, le plus grand défi de Barack Obama.

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