Visionnaire, stratège, légaliste

Par Hassen Fodha, professeur de droit international, ancien diplomate

 © Vincent Fournier pour J.A.

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Publié le 12 avril 2010 Lecture : 2 minutes.

Que reste-t-il de Bourguiba ?
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Que reste-t-il de Bourguiba ?

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Pour Bourguiba, rien ne pouvait s’acquérir instantanément ; il fallait procéder par étapes, distinguer l’essentiel de l’important. Le code du statut personnel faisait, selon lui, partie de ce qui est « essentiel », donc à réaliser d’urgence, car il s’agissait là de promotion des droits humains. Malgré l’opposition de certains milieux, il lança ce code, fondamental pour la liberté de la femme. C’était la première étape d’une action à long terme. À preuve, son successeur, le président B en Ali, a repris cette action en la renforçant.

Bourguiba était donc un pragmatique. Sa démarche politique a toujours été marquée par le bon sens et la justice. Juriste de formation, tout procédait pour lui de la légitimité et de la légalité. Les deux exemples les plus frappants qui me reviennent aujourd’hui à l’esprit sont la lutte pour l’indépendance de la Tunisie puis l’évacuation de la base militaire française de Bizerte, ensuite son discours à Jéricho sur le conflit du Moyen-Orient.

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Bourguiba travaillait sans cesse à faire inscrire la question de l’indépendance de la Tunisie à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations unies. Il y arriva en décembre 1952, ce qui donna à la guérilla tunisienne une reconnaissance internationale et une légitimité. Pendant la guerre d’évacuation de Bizerte, en 1961, Bourguiba avait également tout fait pour amener le Conseil de sécurité de l’ONU à se saisir de la question. Le secrétaire général de l’époque, Dag Hammarskjöld, s’était ainsi déplacé à Bizerte malgré le veto de la France, avant d’exposer au Conseil son rapport sur la situation et les humiliations que lui avaient fait subir les troupes françaises. Son discours de Jéricho (1965) suppliait les Palestiniens et les pays arabes de s’accrocher à la légalité internationale et d’échanger la stratégie de la guerre contre celle de « l’essentiel et l’important » en acceptant le partage des territoires tel qu’approuvé par le Conseil de sécurité en 1947. Aujourd’hui, on en est bien loin…

Bourguiba avait l’habitude de dire dans ses discours publics : « Les hommes de ma stature ne courent pas les rues. » Il n’est pas donné à tout le monde d’assumer une telle affirmation sans se ridiculiser. Dans le chaos et les différentes crises qui marquent cette première décennie du XXIe siècle, on s’interroge sur le silence assourdissant des voix de la sagesse et sur l’absence de guides. Le président Barack Obama en a l’étoffe. Il faut juste lui donner du temps.

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