« Un double sentiment de fierté »

Par Mustapha Ben Jaafar, fondateur du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL, opposition)

 © Mohammed Hammi

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Publié le 12 avril 2010 Lecture : 2 minutes.

Que reste-t-il de Bourguiba ?
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Que reste-t-il de Bourguiba ?

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Vingt-deux ans après sa mise à l’écart, dix ans après sa mort, Habib Bourguiba demeure un sujet de débat inépuisable. Jeune lycéen dans les années 1950, je scandais avec mes camarades « Yahia Bourguiba ! » (« Vive Bourguiba ! ») Pour nous, le zaïm Bourguiba était la quintessence de notre révolte contre l’ordre colonial.

Devenu responsable au syndicat étudiant (Uget), j’ai approché Bourguiba à deux reprises : pour lui présenter les résolutions de notre congrès, en 1967, puis pour la synthèse des travaux d’un séminaire des étudiants destouriens, en 1970. Il n’avait pas beaucoup apprécié mes propos sur la question vietnamienne et sur l’attachement des jeunes aux acquis du socialisme. Mais moi, j’ai pu apprécier son charisme, son pouvoir de séduction et de persuasion, qualités qu’il a constamment mises au service de la lutte anticoloniale et de ses visions modernistes pour la Tunisie indépendante.

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Bourguiba voulait changer la Tunisie pour la mettre au diapason des temps nouveaux. L’élaboration du code du statut personnel me semble être l’acte fondateur le plus significatif. Sa lutte pour la promotion des élites, l’essor de la paysannerie et l’émancipation de la femme, la généralisation de la scolarisation et sa politique de contrôle des naissances bouleverseront la vie des Tunisiens. La promotion sociale passait désormais par le savoir et la compétence.

Pour moi, cette période correspond à un double sentiment de fierté : voir se dessiner une tunisianité enracinée dans son histoire et ouverte sur l’universel. Être le citoyen d’un « petit » pays actif avec bravoure et panache sur la scène internationale.

Mon regret n’en était que plus fort devant l’absence d’avancée de la démocratie politique. De par sa personnalité, peu encline au partage du pouvoir, Bourguiba en est responsable. Bloquant le processus de progrès politique, suite logique de son œuvre d’émancipation, il avait rejeté, en 1971, la résolution du congrès de son propre parti selon laquelle toute responsabilité devait être avalisée par des élections. En 1981, autre moment historique, il a préféré la falsification des premières élections pluralistes à l’entrée de quelques « adversaires » au Parlement.

Ce déficit démocratique s’est inscrit dans la durée. Il serait injuste d’en incomber la faute au seul Bourguiba ! Mais, pour le fondateur de la République et de l’État moderne, ce manquement à son projet initial, qui visait à faire du Tunisien le maître de son destin, s’est révélé lourd de conséquences !

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