Que reste-t-il de Bourguiba ?

Le 6 avril 2000, les Tunisiens perdaient le père de leur nation. Enquête, dix ans plus tard, sur les traces qu’a laissées le Combattant suprême.

Le « Combattant suprême », Habib Bourguiba. © Collection particulière J.A.

Le « Combattant suprême », Habib Bourguiba. © Collection particulière J.A.

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Publié le 12 avril 2010 Lecture : 2 minutes.

Que reste-t-il de Bourguiba ?
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Que reste-t-il de Bourguiba ?

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« Ma mission est terminée. Je laisse de grands enfants poursuivre la tâche… » C’est entre les murs de l’ancienne villa du gouverneur de Monastir, où il a fini ses jours, que Habib Bourguiba écrivit, à la fin de 1988, ces quelques mots à l’adresse de son successeur, Zine el-Abidine Ben Ali. Un an après sa destitution, l’ancien avocat passait ainsi le témoin à celui qu’il appelait « mon fils ». Bourguiba s’accrochera ensuite à la vie, malgré la maladie et les vicissitudes d’un exil intérieur que cet homme, qui a si longtemps incarné le pouvoir absolu, ne pouvait supporter. Il décédera près de douze ans plus tard, le 6 avril 2000. Les « grands enfants », eux, ont bel et bien poursuivi la tâche. Sur les plans économique et social, la Tunisie a connu une progression constante et fait son entrée dans la catégorie des pays émergents. Il lui reste, ce n’est pas la moindre des facettes de l’héritage bourguibien, à ouvrir le champ politique comme celui des libertés.

Trois générations de Tunisiens auront vécu à l’ombre protectrice de « Si Lhabib », séduits par ce tribun de génie, moderne et autoritaire, angoissés par sa longue déliquescence. Ceux qui ont aujourd’hui entre 30 ans et 40 ans n’ont longtemps retenu que les dix dernières années de sa vie, ce naufrage pathétique d’un vieillard au corps et à l’esprit affaiblis, qui se voyait en président éternel, aveugle à l’usure du temps. L’enfant de Monastir fut incapable de choisir lui-même le terme de son règne. Mais réduire Bourguiba au crépuscule de sa vie, aussi pénible que fût cette mise en scène permanente, serait une grande injustice. C’était un personnage hors du commun : artisan de l’indépendance, bâtisseur d’un État moderne, visionnaire, courageux, responsable, intègre, humaniste. Le Combattant suprême a connu un extraordinaire parcours politique, véritable entrelacs d’âpres batailles pour l’indépendance, la libération de la femme, la généralisation de l’enseignement et de l’accès aux soins, le développement de son pays, ou contre l’obscurantisme. La trace laissée dans l’Histoire par le fils d’Ali Bourguiba et de Fattouma Khefacha est à la mesure de sa stature : immense. Côté sombre, sa conception monarchique, pour ne pas dire tyrannique, du pouvoir, un ego démesuré, la censure, un caractère colérique ne souffrant aucune contradiction.

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Dix ans après sa mort, que reste-t-il du père fondateur ? Un véritable mythe, une conception de l’État et de son rôle mais aussi, et surtout, un pays en paix et ouvert sur le monde qui, sans lui, ne serait peut-être qu’un petit coin de terre sans intérêt, coincé entre deux géants pétroliers, l’Algérie et la Libye. Certains l’ont oublié, qui ne regardent qu’avec réticence le passé. D’autres, plus jeunes, ne mesurent pas la valeur de son héritage, parce qu’on ne leur a pas (ou mal) enseigné.

Ne pas comprendre d’où l’on vient, c’est s’exposer à ne pas savoir où l’on va…

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