Burqa : avis de tempête
« Pour les Français, qui sont ce qu’ils sont, le port du voile, qu’on le veuille ou non, est une sorte d’agression », avait avancé Jacques Chirac à Tunis, en 2003, pour justifier le vote de la loi interdisant le port des « signes religieux ostentatoires » dans les écoles de la République. Sept ans après le foulard, c’est au tour de la burqa – en fait le niqab, le voile intégral – de s’inviter dans le débat parlementaire.
Selon les estimations du ministère français de l’Intérieur, deux mille musulmanes seulement seraient concernées. Mais toute la classe politico-médiatique s’enflamme.
Le 30 mars, le Conseil d’État a mis en garde contre une interdiction générale, qui ne s’appuierait « sur aucun fondement juridique incontestable ». La haute juridiction administrative, qui ne donne que des avis au gouvernement en marge de son activité jurisprudentielle, estime en revanche que la prohibition du voile intégral serait conforme au droit si elle était circonscrite à certains lieux ou situations (écoles, mairies, commissariats, préfectures, pour des raisons « d’ordre public »…).
Autant dire que cet avis alambiqué – qui intervient alors que depuis septembre 2001 la France est plongée dans un état de semi-exception sécuritaire avec le dispositif Vigipirate – n’a guère de chances d’être écouté. « Le Parlement et le gouvernement peuvent aller plus loin », a aussitôt réagi Éric Besson, le ministre de l’Intégration et de l’Identité nationale, qui a comparé le voile intégral à « un cercueil ambulant ». « Le législateur doit prendre ses responsabilités », a renchéri Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui compte sur le soutien de plus de 200 députés de la majorité mais aussi de l’opposition pour une loi « claire, nette et précise ».
Comment imaginer en effet une burqa à deux vitesses qui serait bienvenue dans une boucherie halal, tolérée dans une boulangerie, mais proscrite devant une école ? Si les députés et les sénateurs semblent décidés à éviter le schéma surréaliste proposé par les sages du Conseil d’État, les seules critiques portent sur l’urgence politique de cette loi, au moment où les Français attendent davantage du gouvernement en matière économique et sociale. Urgent ou non, le débat s’est élargi au niveau européen : le 31 mars, la Belgique a ouvert la voie en s’orientant résolument vers une interdiction totale de la burqa.
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