Le Rwanda caméra au poing
Le reporter Jean-Christophe Klotz revient sur le génocide de 1994 à travers une fiction quelque peu surjouée.
En 1994, au moment même où se déroulait le génocide, Jean-Christophe Klotz était au Rwanda, comme reporter-cameraman. Et, pour rendre compte de l’horreur, il a payé de sa personne et a été blessé par balle. Le sujet, depuis, le hante. Après avoir réalisé un reportage pour l’émission Envoyé spécial en 1995 avec ses images tournées l’année précédente, il décide dix ans plus tard de tourner un documentaire pour le grand écran. Kigali, des images contre un massacre a reçu un excellent accueil lors de sa sortie en 2006. Aujourd’hui, Jean-Christophe Klotz prend à nouveau la caméra pour parler du génocide. Et signe cette fois une fiction.
Lignes de front raconte comment en 1994, après avoir rencontré Clément, un Rwandais exilé en France, un journaliste français, Antoine, part caméra au poing en sa compagnie couvrir la guerre civile qui ravage le Pays des Mille Collines. Le fil directeur du reportage est tout trouvé : le Hutu Clément est à la recherche de sa fiancée, Alice, une Tutsie dont il est sans nouvelles depuis le déclenchement des massacres.
Cette mise en abyme, avec un film dans le film, permet à Klotz de faire vivre à son « héros » Antoine, pur témoin, diverses situations dramatiques qui l’amènent à se poser des questions éthiques, notamment sur son métier – des questions, pour l’essentiel, déjà abordées dans son documentaire de 2006. Peut-on rester un simple observateur, même par nécessité professionnelle, quand on assiste à certains actes extrêmes qui conduisent des « innocents » à la mort ? Ne devient-on pas ainsi complice des tueurs ? Et comment est-il possible que la diffusion des images des massacres de masse ne conduise pas la communauté internationale à intervenir ?
C’est là où Lignes de front, projet en soi estimable, trouve ses limites. Pas seulement parce que ces questions, au grand dam de Klotz, ne conduisent pas à des réponses simples. Vouloir être démonstratif dans le cadre d’un documentaire ne pose pas de problème de principe, même si le résultat n’est pas toujours heureux. Mais vouloir se livrer au même exercice par le biais de la fiction, surtout quand on est novice, est risqué. Les acteurs chargés de délivrer un message en vivant des situations intenses – comme ici Jalil Lespert (Antoine) – sont vite conduits à surjouer et à en rajouter dans le pathos. Et même lorsque le long-métrage est très autobiographique, rapportant des scènes pour la plupart authentiques, comme c’est le cas ici, ces images ne font pas « vraies » à l’écran. Un comble.
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