L’Afrique mal emballée
Le manque d’emballages de produits périssables aux normes internationales cause d’énormes pertes et grève les marges des exportateurs.
Le continent (Afrique du Sud et Maghreb mis à part) pourrait augmenter ses exportations agroalimentaires de 30 %, simplement en améliorant la qualité de ses emballages. En Afrique de l’Ouest, sur environ 100 milliards de dollars d’exportations chaque année, le manque à gagner pour les entreprises avoisinerait donc 30 milliards de dollars.
Défaut de structuration de la filière, pénurie de fabricants de matériel, mauvaise identification des besoins, incompréhension des normes de conditionnement en usage dans les marchés développés, absence de groupements d’intérêt commun et de centres techniques (normalisation, formation, test, etc.)… autant de points névralgiques identifiés par le Centre du commerce international (CCI, basé à Genève) dans l’étude diagnostic « emballage » en Afrique subsaharienne, commandée par l’Association Afrique agro export (Aafex). Si certains groupes internationaux, comme Crown, sont historiquement présents sur le continent, d’autres comme Tetra Pak et Huhtamaki progressent timidement, surtout au Maghreb : « Le marché subsaharien n’est pas suffisamment régionalisé, souligne Annette Freidinger, consultante spécialisée auprès du CCI. Hormis certains pays comme le Nigeria et la Côte d’Ivoire, les marchés locaux ne sont pas encore assez rentables. »
Faute d’un conditionnement adéquat dès la récolte, les pertes peuvent représenter jusqu’à 60 % de la production avant même d’atteindre le premier lieu de vente. Et cela se gâte encore lors du transport : en Côte d’Ivoire, environ 5 % des bananes exportées sont perdues à cause de caisses en carton qui ne supportent pas la condensation liée aux changements de température.
L’absence d’une industrie locale de l’emballage rend les pays dépendants des importations. Selon Jacky Charbonneau, conseiller principal en emballage du CCI, ce qui pèse sur les marges « ce n’est pas tant le prix du transport que le coût de la main-d’œuvre, qui est élevé dans les pays où sont fabriqués ces emballages, en Europe principalement ». Alors que le poste conditionnement représente 15 % à 20 % des coûts de production d’un pot de confiture en Europe, Marie-Andrée Tall, la directrice générale de Fruitales, à Dakar, qui importe trois à quatre conteneurs de pots en verre par an depuis la France (50 % de la production mondiale de verre), estime qu’il représente « 40 % à 60 % » de son prix de revient. Autre illustration, au Burkina, où l’emballage représente plus des deux tiers du prix de revient d’une boisson à base de fruits.
Augmenter les marges
L’Union centrale des coopératives agricoles de l’ouest du Cameroun (Uccao), qui produit 1 800 tonnes de café pour 1 milliard de F CFA de chiffre d’affaires (dont 95 % liés aux exportations), semble ainsi démunie face à l’absence d’offres en adéquation avec ses ambitions. Si le coût de l’emballage représente plus de 15 % du prix de revient (sacs de jute chinois ou sachets venus d’Inde), l’entreprise aimerait surtout pouvoir vendre son café, moulu, directement au consommateur, et ainsi augmenter ses marges. Mais les emballages aux normes (avec valves) sont introuvables et leur importation revient trop cher.
Carte noire, Café Grand-Mère… Du café camerounais, passé inaperçu sur les étals européens, moulu, emballé par les importateurs qui apposent leur marque. Exit la provenance. Et les marges les plus intéressantes.
Le cas de l’anacarde ivoirien est aussi révélateur. Alors que 80 % de la production part vers l’Inde (rapportant 100 millions d’euros par an à Abidjan), celle-ci réexporte le produit transformé après décorticage avec une marge multipliée par 5 ou 6 : près de 1 demi-milliard d’euros échappent ainsi, de fait, à la Côte d’Ivoire. L’Afrique a donc tout intérêt à développer l’industrie de l’emballage. Un secteur lui-même générateur de revenus non négligeables, en particulier au Maghreb : avec ses 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, la filière africaine se place loin derrière l’Asie (Chine principalement) et ses 120 milliards d’euros, sur un business mondial 2009 de quelque 400 milliards d’euros.
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