Le nouveau guide d’Al-Azhar
Éclairé, mais très proche du pouvoir, Cheikh Ahmed al-Tayeb succède à feu Mohamed Sayyed Tantaoui à la tête de la principale institution de l’islam sunnite.
Cultivé, modéré et favorable au dialogue interreligieux. C’est le profil du nouveau grand imam d’Al-Azhar, la plus haute institution de l’islam sunnite. Cheikh Ahmed al-Tayeb, 64 ans, a été nommé le 19 mars par décret du président Hosni Moubarak, en convalescence en Allemagne, pour succéder à Cheikh Mohamed Sayyed Tantaoui, 81 ans, foudroyé dix jours plus tôt par une crise cardiaque. Philosophe et théologien de formation, Cheikh Tayeb est désormais à la tête d’une institution qui, outre la mosquée et l’université éponymes du Caire, comprend un réseau d’écoles dans tout le pays et délivre son enseignement à quelque 400 000 élèves et étudiants égyptiens et étrangers. Anglophone et francophone, Cheikh Tayeb a suivi une partie de ses études, portant notamment sur « la philosophie de l’islam », à l’université de la Sorbonne et a noué à Paris de solides liens avec des historiens orientalistes dominicains. Après avoir brièvement exercé les fonctions de grand mufti de la République, qui fixe par fatwa les réponses de l’islam officiel, Cheikh Tayeb présidait depuis 2003 l’université d’Al-Azhar, l’une des plus anciennes du monde musulman, fondée en 975 (365 de l’Hégire). Gant de velours, mais également main de fer, il avait fait preuve de fermeté en 2006 contre les Frères musulmans, dont les étudiants sympathisants avaient fait une démonstration de force paramilitaire au sein du campus de l’université. Touché « par la confiance » que lui a accordée le président en le nommant grand imam, Cheikh Tayeb est par ailleurs membre du comité central du Parti national démocrate (PND, au pouvoir), dirigé par Gamal Moubarak, le fils du chef de l’État. Au Caire, cette nomination a relancé les critiques sur la proximité de plus en plus affichée d’Al-Azhar avec le régime. Autant le prestige de sa nouvelle fonction est grand, autant la marge de manœuvre de Cheikh Tayeb sera étroite.
À l’instar de son prédécesseur, qui avait condamné le « fanatisme » religieux avec véhémence et considéré comme licite l’interdiction du port du voile dans les écoles françaises, les propos de Cheikh Tayeb pèseront lourdement sur le débat politico-religieux en Égypte. Avant d’être nommé, il avait déjà suscité une polémique avec certains oulémas conservateurs en estimant que le port du voile intégral (niqab) n’était pas une obligation religieuse.
En 2004, interviewé lors de l’anniversaire des attentats du 11 Septembre, il avait dit être « conscient de la nécessité de réviser le discours islamique », provoquant la fureur des islamistes radicaux. Ceux-ci ne pourront en revanche condamner les premières déclarations publiques du grand imam d’Al-Azhar, qui s’est dit décidé à « refuser toute rencontre avec des responsables sionistes, qu’ils soient religieux ou politiques ».
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