Quand la religion se mêle de politique

Alors que ses prédécesseurs sont restés à l’écart des questions religieuses, Abdoulaye Wade n’a pas la même prudence.

Abdoulaye Wade avec le calife général des mourides, le 23 février à Touba. © APA

Abdoulaye Wade avec le calife général des mourides, le 23 février à Touba. © APA

Publié le 31 mars 2010 Lecture : 2 minutes.

Sénégal, la leçon de Dakar
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Sénégal, la leçon de Dakar

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« La République couchée » : tel était le titre d’une retentissante tribune, publiée le 8 mai 2001, dans les colonnes du quotidien Wal Fadjri par Ousseynou Kane. Le chef du département de philosophie de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar réagissait à l’attitude d’Abdoulaye Wade qui s’était rendu à Touba pour se prosterner, en signe d’allégeance, devant Serigne Saliou Mbacké, alors calife général de la confrérie des mourides. Le cri de désapprobation du professeur Kane avait alors rencontré un large écho. Au point de pousser Wade à se justifier : « Je suis allé à Touba en disciple mouride, et non en ma qualité de chef de l’État. » Sans réussir à convaincre ceux qui, nombreux, ont été choqués de voir celui qui incarne la nation s’agenouiller, baisser la tête et tendre les mains pour recueillir les bénédictions d’un guide religieux.

Abdoulaye Wade a multiplié les signes de son appartenance au mouridisme. Au point d’essuyer la riposte publique des dirigeants d’autres confréries (tidjane et layène) après qu’il eut annoncé, le 10 décembre 2007, le lancement d’un programme de modernisation de Touba doté d’une enveloppe de 100 milliards (152 millions d’euros) de F CFA sur cinq ans.

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Fin de la "distance cordiale"

Depuis l’accession du Sénégal à l’indépendance, jamais le fait religieux n’a été aussi présent dans la sphère publique. À la différence de ses deux prédécesseurs, grands commis de l’administration formés dans une sorte de mystique de l’État, Abdoulaye Wade s’est, lui, forgé dans les tourbillons de vingt-six ans de lutte dans l’opposition. De ce fait, loin d’ignorer les réalités et les sensibilités religieuses, il les assume, les affiche, voire les utilise. Léopold Sédar Senghor, de confession chrétienne, a mené sans heurts une nation à 90 % musulmane. Issu d’une minorité religieuse et ethnique, il a rassuré la majorité en se tenant à équidistance de tous les cultes, et en réservant un traitement égal à toutes les croyances. Sa recette était simple : entretenir des rapports cordiaux avec tous les guides religieux. Son successeur, Abdou Diouf, a perpétué cette tradition. Né dans une famille tidjane, il est parvenu à obtenir, à l’occasion de l’élection présidentielle de 1993, le soutien du calife général des mourides.

Après cette « distance cordiale », Wade se risque au mélange des genres. En décembre 2009, il a comparé son « monument de la Renaissance africaine » aux représentations du Christ dans les églises, soulignant que « le Christ n’est pas Dieu ». « Une fois encore, la foi de l’Église a été bafouée par la plus haute autorité du pays », a réagi le cardinal Théodore Adrien Sarr, archevêque de Dakar. Le chef de l’État a présenté ses excuses. 

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