Obama : une victoire qui change tout
L’adoption de la réforme du système de santé par le Congrès redonne des ailes au président américain.
C’est un peu comme si le président Obama avait bondi hors de son lit d’hôpital, arraché ses perfusions et esquissé quelques pas de danse autour du Bureau ovale. Le vote par le Congrès de la réforme du système de santé a redynamisé sa présidence et aura des conséquences sur le monde entier. En réussissant là où tous ses prédécesseurs, de Theodore Roosevelt à Bill Clinton, avaient échoué, Barack Obama peut se targuer d’un succès historique. Et il se débarrasse du même coup de l’image qui commençait à lui coller à la peau : celle d’un président faible, qui ne parvient jamais à mener à bien ses projets.
Le vent d’optimisme qui, en janvier 2009, avait accompagné sa prestation de serment avait beaucoup faibli au cours des mois suivants, au point que beaucoup commençaient à voir en lui un homme qui parle beaucoup, mais agit peu. Un naïf qui se fait malmener par les durs à cuire du monde entier. Haï par la droite conservatrice, il avait, lors d’une élection partielle réussi le tour de force de contribuer à faire perdre à son parti le poste de sénateur du Massachusetts, l’un des plus anciennement détenus par les démocrates.
Son incapacité apparente à faire adopter sa réforme nuisait beaucoup à sa crédibilité, aux États-Unis et dans le reste du monde. Les étrangers ne se passionnaient certes pas pour les subtilités du vote des lois par le Sénat. Ils se bornaient à prendre acte d’un fait : en dépit de sa popularité et de la large majorité dont il dispose au Congrès, Obama se heurtait aux pires difficultés pour faire aboutir sa principale réforme.
Peu à peu, ces difficultés intérieures avaient fini par influencer le jugement porté sur lui en matière de politique étrangère. Il était de plus en plus ouvertement soupçonné d’annoncer des objectifs très ambitieux, et de ne jamais les atteindre. N’avait-il pas proclamé qu’il relancerait le processus de paix au Proche-Orient, alors qu’à ce jour aucun pourparler n’a été engagé ? Dès le soir de son élection, n’avait-il pas fait de la sauvegarde de la planète l’une de ses priorités, sans parvenir à sauver du fiasco la conférence de Copenhague ? N’avait-il pas longuement hésité sur la stratégie à mettre en œuvre en Afghanistan, avant d’annoncer l’envoi de renforts, sans donner l’impression d’être très convaincu du bien-fondé de l’opération ?
Les médias étrangers ont alors commencé à brosser de Barack Obama le portrait d’un homme faible, indécis, inefficace. Après son succès sur la réforme de la santé, cela devrait changer – au moins pour un moment. A priori, il n’existe aucun lien direct entre la nouvelle vigueur d’Obama sur la scène nationale et ses chances de succès en politique étrangère. Mais il y a quand même un lien indirect : à l’avenir, les chefs d’État étrangers se montreront sans doute moins sceptiques quant à ses chances de faire progresser les dossiers internationaux. Ceux qui auraient pu être tentés de se jouer de lui devraient désormais y regarder à deux fois. Si Obama avait échoué à faire passer sa loi, Benyamin Netanyahou, qui était à Washington pour s’adresser au congrès de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le plus puissant des lobbies pro-israéliens, aurait peut-être essayé de se rallier les opposants à la nouvelle politique américaine au Proche-Orient. À présent, ça paraît plus compliqué.
Du coup, les observateurs en viennent à considérer d’un œil plus favorable la première année de l’administration Obama. Ils paraissent découvrir que celle-ci a quand même réussi à éviter une faillite totale du secteur bancaire. Et que la croissance de l’économie américaine, qui avoisine 6 %, est plus forte que dans les autres pays occidentaux…
Les conservateurs américains n’ont pas tort d’affirmer que la réforme du système de santé rapproche les États-Unis des pays européens et les éloignent de leur tradition de pur individualisme. On peut débattre des avantages et des inconvénients d’un tel changement. Mais les États-Unis devraient en tirer indirectement profit en politique étrangère. En promettant une protection sociale à presque tous ses concitoyens, Obama va redorer l’image des États-Unis qu’un Michael Moore, par exemple, a réussi à exporter : celle d’un pays qui ne fonctionne que parce que les pauvres sont broyés par les grosses compagnies.
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